PORTUGAL, CINQUANTE ANS APRES par Marc Jacquemain

Il y a juste cinquante ans commençait au Portugal ce que l’histoire a baptisé la révolution des œillets. Commencée comme une insurrection militaire contre une sanglante et interminable guerre coloniale, la révolte a très vite pris le tour d’une révolution, avec des centaines de milliers de personnes venues dans les rues soutenir l’armée contre la dictature fasciste.
Le Portugal a failli faire un pas de plus : une frange radicale de militaires dirigée par le très populaire commandant Otelo de Carvalho envisageait de faire du Portugal une « expérience socialiste », inspirée par le tiers-mondisme de l’époque. En un an et demi, cette tentative était matée et le Portugal rentrait dans le « rang européen ».

Et l’Europe justement, qu’a-t-elle fait ? Elle a fait ce qu’elle fait toujours si bien : protéger la « libre entreprise » et le « libre marché » pudiquement (et hypocritement) rebaptisés « démocratie ». L’Europe, qui s’était accommodée pendant quatre décennies des dictatures portugaise et espagnole, ne pouvait par contre pas supporter l’idée d’un régime « tiers-mondiste » à sa porte sud.

On ne saura jamais ce qu’aurait donné un tel régime. On sait par contre ce qu’a produit la politique européenne des cinquante dernières années. Le fascisme renversé par les militaires portugais est aujourd’hui présent en germe dans presque tous les pays européens et parfois au gouvernement, comme en Italie ou en passe d’y arriver comme en France. Certes, nous ne sommes pas dans les années trente. C’est un fascisme souvent « normalisé », « dédiabolisé » et qui tente de donner le change. Mais c’est le fascisme tout de même.

Le souvenir de la dictature a longtemps protégé le Portugal de cette tentation mais ce pays est aujourd’hui « normalisé » : il a maintenant son grand parti d’extrême-droite comme presque partout ailleurs.
Le grand art de la politique européenne, c’est de reprendre à l’envers le projet des alchimistes : transformer l’or en plomb.

Marc Jacquemain (sur sa page Facebook)

photo Daniel Arrhakis

Pas de commentaires

Poster un commentaire