26 juin 2024
ZUT, MON TICKET D’ENTRÉE A FONDU ! par Bernard Hennebert
Le « Feel Good Festival » devait se dérouler à Aywaille du 27 au 30 juin 2024, avec Alice on the Roof, Loic Nottet, Patrick Fiori, Christophe Willem, etc. Il a beaucoup plu ce printemps, et une dizaine de jours avant son démarrage, ses organisateurs l’ont annulé en expliquant sur leur site : « Le terrain est considéré comme instable par les autorités compétentes. Il nous est malheureusement impossible de monter les structures nécessaires au bon déroulement du festival ».
Pour eux, il en va de la sécurité du personnel et des festivaliers. Il est notamment impossible d’installer la scène, la terrasse VIP ou l’espace prévu pour les personnes en chaise roulante. Ces intentions et cette décision sont courageuses.
Mais ils ajoutent que tout ceci n’a pas été décidé à la légère et « s’inscrit dans un cas de force majeure ». Pour eux, cette situation est indépendante leur volonté. Ils annoncent enfin : « Vos billets restent bien sûr valables pour l’édition de l’année suivante ». Il n’est pas indiqué s’ils rembourseront les tickets des festivaliers qui n’ont pas la possibilité, ni l’intention d’assister à l’édition suivante. Est-ce la même programmation qui sera proposée?
Aucune information en ce sens sinon une promesse: en 2025 sera fêté les dix ans du festival et « nous mettons déjà tout en œuvre pour faire de cette célébration un événement mémorable ». S’il ne pleut pas trop, suppose-t-on.
L’implication de Testachats
L’association de consommateurs Testachats (qui ne s’écrit plus « Test-Achats » depuis de nombreux mois!) réagit en affirmant que les festivaliers de 2024 doivent pouvoir être remboursés s’ils le souhaitent.
Dans un premier temps, pour RTL, le 17 juin 2024, elle constate que, sur le site internet du festival, il n’y a aucun texte présentant les conditions générales : « ».
Deux jours plus tard, Julie Frère, la porte-parole de Testachats, est interviewée par la RTBF pour le journal télévisé de la mi-journée. Elle y explique qu’après enquête par ses services, le texte des conditions générales a été retiré récemment du site. Or il mentionnait bien des possibilités de remboursement. Il faut savoir que pour cette neuvième édition, le festival a bien effectué des remboursements, mais uniquement pour la désaffection de Yannick Noah.
De plus, Testachats estime que la météo en Belgique ne devrait pas être considérée comme un cas de “force majeure”. C’est plutôt « un élément qui doit être impérativement pris en compte dans le cadre de l’organisation du festival », explique Julie Frère.
Cet exemple est particulièrement instructif. Il montre qu’une association importante de consommateurs souhaite que les sites d’organisateurs culturels ne doivent pas se contenter d’afficher un « règlement du visiteur » (dont diverses clauses ne sont souvent là que pour limiter les droits du public) mais qu’il convient d’y prévoir un texte de « conditions générales », une forme de contrat qui lie les deux parties.
Elle considère également que la norme (sauf en cas de force majeure) est, lors d’un report ou d’une annulation, le remboursement des usagers qui le souhaitent et qu’indiquer le contraire pourrait s’apparenter à une clause abusive.
Ce n’est pas la première fois que je constate qu’en cas de report, des organisateurs culturels entretiennent le flou en n’indiquant qu’un élément de leur obligation : « Bien entendu, vos tickets restent valables! ».
Une législation, selon moi, devrait préciser leur obligation de mentionner également dans le même paragraphe la possibilité de remboursement, son délai et les démarches concrètes à entreprendre pour que l’usager puisse retrouver le plus rapidement possible son dû.
Il parait évident que les organisateurs d’activités culturelles en plein air doivent prendre en compte dans leur organisation les évolutions climatiques qui vont aller à l’avenir dans le sens de précipitations plus fortes et fréquentes, ou de chaleurs excessives.
Et aussi mieux négocier en ce sens leurs éventuels (car ceux-ci ne sont pas légalement obligatoires) contrats avec leurs assureurs. Ceux qui attachent beaucoup d’attention, et de financements, à pareilles précautions, auraient intérêt à l’indiquer comme un atout dans la présentation au public de leur activité dès le moment où les préventes vont commencer.
Développer les « Class action »
Le cas de ce « Feel Good Festival » est intéressant car c’est « pour Testachats, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase » selon un article de Kamel Azzouz publié par la RTBF, le 19 juin 2024. La puissance médiatique de cette association de consommateurs est telle que cette thématique de non remboursement dans le secteur culturel est ainsi entrée dans l’actualité à la mi-juin 2024.
Le journaliste de la RTBF a questionné Étienne Mignolet, le porte-parole du service juridique du Service Public Fédéral belge Économie. De façon globale, la réponse officielle est que l’usager doit voir son ticket remboursé s’il le souhaite, sauf si l’activité n’a pas lieu pour une cause de force majeure (ce qui n’est pas du tout le cas lors de pluies en Belgique, même répétées).
Le problème qui demeure pour l’usager réside dans le fait que si l’organisateur ne concrétise pas ou conteste pareils remboursements, il doit, s’il cherche à solutionner seul son cas particulier, faire appel à un juge… et les frais qu’une telle démarche implique sont en général dissuasifs par rapport à l’importance des tarifications culturelles.
Bien sûr, il existe, au niveau fédéral belge, un service officiel de médiation pour les consommateurs auquel on peut faire appel gratuitement, mais rien ne dit que la démarche sera concluante si l’organisateur persiste dans son refus.
Parmi les solutions à envisager: une « class action ».
Il s’agit d’une action judiciaire entreprise par un grand nombre de personnes qui ont toutes subi le même préjudice.
La première « class action » a eu lieu aux États-Unis lors de l’explosion d’un cargo en 1950 qui avait coûté la vie à plus de 580 personnes. Des « class action »existent également en Grande-Bretagne ou au Québec. Ces actions collectives regroupent en général un grand nombre de plaintes individuelles en un seul procès, qui permet d’assurer un verdict unique et non plusieurs décisions de justice parfois contradictoires.
En France et en Belgique, cette façon d’agir a été reprise et adaptée de façon fort restrictive, et plus d’un demi-siècle plus tard. Elle y est rarement utilisée en ce qui concerne des conflits culturels.
Selon Mr Mignolet, lorsqu’on réserve ainsi un billet pour un spectacle, c’est un contrat que l’on conclut avec une entreprise ou un organisateur. S’il n’y a pas de conditions générales de vente, ou s’il y en a mais que le point qui nous occupe n’est pas mentionné, l’organisateur ne peut pas imposer de facto un non remboursement. Comme, dans ce cas-là, rien n’est prévu contractuellement, ce sont les règles du Code civil qui doivent s’appliquer.
Ainsi, le consommateur garde le droit d’obtenir un remboursement. D’autre part, s’il est indiqué dans le contrat qu’il n’y a pas de remboursement à prévoir, on peut alors envisager l’éventualité d’une clause abusive.
Pour ce Code des droits économiques, c’est probablement une situation qui engendre « un déséquilibre important et manifeste entre les droits et obligations des deux parties ». Seul un juge peut se prononcer sur ce fait, et par rapport à un exemple concret.
Bernard Hennebert
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