06 avril 2022
POGNON DE DINGUE
En 2018, au cours d’une réunion avec des collaborateurs, Emmanuel Macron affirmait dans une petite vidéo, mise en ligne par la responsable de son service de presse à l’Elysée, que la politique sociale de la France coûtait “trop de pognon“… “un pognon de dingue !“. Et certes, pourquoi dépenser tant d’argent en aides sociales, alors “qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail ” (une autre pensée célèbre du président de la Start-up France).
Or du “pognon de dingue”, il en traîne beaucoup, ces dernières semaines, autour du candidat Macron, qui a encore de bonnes chances (?) de se succéder à lui-même à la tête de l’État français. Mais ce pognon-là, il n’a vraiment pas la même odeur.
L’affaire McKinsey, One.
Durant le quinquennat de Macron, le gouvernement français a dépensé plus de deux milliards d’euros en “avis” de “cabinets conseils”. …Deux milliards !
Parmi eux, le célèbre cabinet américain “McKinsey”, leader mondial (et américain) du secteur, qui a aussi sévi en Belgique autour de quelques gros dossiers sensibles.
Une société qui, cerise sur le coffre-fort, n’a pas payé un euro d’impôt en France depuis dix ans.
Et cela, ce n’est pas un site “complotiste” qui le dit, mais un rapport très officiel du Sénat français, au terme de 7000 pages d’enquêtes et de quelques dizaines d’auditions.
Or à la surprise générale, ce rapport s’est aujourd’hui imposé comme l’un des thèmes centraux de la campagne présidentielle française.
Oui, pourquoi l’état français, qui dispose généralement d’une armée de hauts-fonctionnaires plutôt qualifiés, a-t-il aussi systématiquement fait appel à des structures extérieures à ses propres administrations ?
Un système qui semble particulièrement pervers, puisqu’il permet à un gouvernement libéral d’utiliser massivement l’argent de l’état pour payer (très cher) des cabinets privés, c’est à dire des soutiers du capitalisme financier repeints en “experts indépendants”, qui lui “conseillent” de démanteler ce même état… pour lui préférer des structures privées. Vous avez suivi la balle du bonimenteur ?
Ne cherchez plus.
Elle n’est pas dans le gobelet de gauche. Elle n’est pas dans le gobelet de droite. Elle n’est pas dans le gobelet du milieu. Elle est dans votre derrière.
L’affaire McKinsay, Two.
Mais comme les trains, une affaire McKinsey peu en cacher une autre.
Car on a appris à cette occasion que ce même cabinet McKinsey avait, pendant des années, travaillé “gratuitement” pour… le Ministre de L’Économie E. Macron (1), puis, toujours aussi “gratuitement”, pour… le candidat E. Macron, participant ainsi activement à sa mise sur orbite à l’élection présidentielle de 2017 (2).
Il ne semble donc pas exagéré d’affirmer que le cabinet McKinsey a ainsi pu placer “son homme” à la présidence de l’Etat français, après l’avoir préalablement installé au cœur du gouvernement Hollande.
Lequel cabinet aurait ensuite pu en être “remercié” par le renvoi d’ascenseur de quelques “commandes” d’état, plus ou moins inutiles et complaisantes. Détournant ainsi au passage, et la loi sur le financement des campagnes électorales, et la loi sur l’octroi des marchés publics, et la moralité la plus élémentaire.
D’accord, à ce stade, tout ceci reste une “hypothèse de travail”, et nulle enquête judiciaire n’a été ouverte à ce sujet.
Mais à défaut, il faudra nous expliquer (sans rire) pourquoi le leader mondial des “bureaux d’études”, dont le seul but a toujours été de se faire des tonnes de thunes avec beaucoup de blablas et quelques écrans “PowerPoint”, c’est soudain métamorphosé en Mére Thérésa bénévole du Macronisme émergeant. Allo, j’écoute ?
Troisième chapitre, le patrimoine.
Cette fois-ci, ce n’est plus un train, mais toute une gare de triage.
Comme les autres candidat·es, Emmanuel Macron a dû faire une déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.
Or avec une certaine surprise, on retrouve l’ancien associé-gérant de Rothschild… tout en bas du classement. Il ne serait propriétaire “de rien”, et possèderait “à peine” quelques centaines de milliers d’euros sur ses comptes en banque – entre 3 et 500.000, selon qu’on comptabilise, ou non, une dette controversée qui implique sa propre épouse.
Or selon ses propres déclarations d’impôts, juste avant sa prise de fonction, E. Macron avait gagné plus de trois millions d’euros, en trois ans, comme banquier d’affaires chez Rothschild.
Un chiffre “officiel” qui semble d’ailleurs particulièrement “bas” aux observateurs, puisque Macron avait conclu sa “carrière bancaire” par un coup d’éclat.
Il s’était personnellement impliqué dans le rachat du département “Nutrition infantile” de Pfizer par Nestlé, qui se trouvait alors en concurrence directe avec Danone.
Un contrat à neuf milliards d’euros qui aurait dû, avec sa seule commission sur ce “deal”, assurer définitivement sa fortune.
Le journaliste d’investigation Jean-Baptiste Rivoire a longuement enquêté sur le sujet, et le résultat me semble assez édifiant (3).
Car pour dilapider un tel capital, il eut fallu que, en fonction comme président de la République, avec tous les frais afférents payés, Macron dépense encore 1200 euros par jour d’argent de poche pendant cinq ans. Dis tonton, pourquoi tu tousses ?
Mais bon, si un gérant-associé de la banque Rothschild ne sait pas comment “légalement” planquer son pognon dans un paradis fiscal… qui d’autre sur Terre pourrait bien en être capable ?
Emmanuel Macron était devenu président de la République en 2017 grâce à ses relations d’affaires et à leur pognon.
Paradoxalement, ce sont ces mêmes relations et ce même pognon qui pourraient aujourd’hui contrecarrer sa réélection.
Et c’est bien la seule morale que l’on puisse trouver à cette triste histoire de “pognon de dingue”.
Claude Semal le 2 avril 2022
(1) https://www.capital.fr/economie-politique/mckinsey-aurait-travaille-gratuitement-pour-emmanuel-macron-lorsquil-etait-ministre-1432690
(2) https://www.mediapart.fr/journal/france/310322/prestations-offertes-et-jeux-d-influence-revelations-sur-mckinsey-et-emmanuel-macron
(3) Un reportage du journaliste d’investigation Jean-Baptiste Rivoire :
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