13 décembre 2024
ORGASME LITURGIQUE * par Bruno Ruiz (sur facebook).
QUELQUES MOTS À PROPOS DE L’ADAPTATION DE LA CHANSON DE COHEN PAR VIANNEY À NOTRE-DAME.
Il existe plusieurs versions de la chanson Hallelujah de Léonard Cohen, la plus célèbre étant évidemment celle de Jeff Buckley. Mais à chaque fois, le texte raconte la même histoire. Une histoire d’amour entre le narrateur et une femme. Et à chaque fois, le mot Hallelujah est pris dans le sens métaphorique du cri émis par la femme pendant l’orgasme. Il y a donc dans la version originale de Cohen un désir un peu transgressif de flirter religieusement avec le péché de chair. Or dans toutes les versions françaises que l’on trouve (il n’y a pas que la version de Vianney) cet aspect, qui me paraît fondamental, disparaît à chaque fois, laissant place à des sortes de prières dans certain cas, et dans la version de Vianney une sorte d’hymne à la paix qui n’a rien à voir avec l’original. Il ne s’agit donc pas d’une traduction, mais d’une adaptation française, pratique très courante dans les années soixante où les paroliers s’en donnaient à cœur joie pour édulcorer souvent les paroles originales, leur faisant dire à peu près n’importe quoi comme ce fut le cas en particulier pour Bob Dylan adapté par Hugues Aufray. Au passage, je recommande d’écouter les excellentes adaptations de Sarclo pour se rendre compte de l’écart. Et que dire de la chanson « Comme d’habitude » de Claude François, qui traite de l’ennui de la vie en couple et devient en anglais « My way » bilan testamentaire d’une vie ? Imaginez ce qui se passerait si on prenait une telle liberté en traduisant les poètes étrangers !
Ce qu’on peut reprocher à Vianney c’est d’avoir non seulement fait dire à la chanson de Cohen vraiment autre chose que ce qu’elle racontait, mais surtout de s’en être servi pour instrumentaliser politiquement dans le contexte actuel un message de paix depuis la cathédrale Notre-Dame, symbole emblématique de la chrétienté. Tout cela ne me semble pas anodin. Les mêmes mots parlant de paix ne sont pas perçus de la même façon selon qu’on est dans une église, un temple, une mosquée, une synagogue ou un palais des sports.
Bruno Ruiz (sur facebook)
* le titre est de la rédaction.
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