26 octobre 2022
NOUS SOMMES LES 22 ET 24 OCTOBRE
Nous sommes le 22 octobre 2022.
Le 22 octobre 1895, dans l’enthousiasme technologique qui marque cette fin de 19e siècle, un train oublie de s’arrêter. Cette arrivée du train en gare de Montparnasse donnera lieu à l’une des photos les plus spectaculaires de l’histoire des chemins de fer français.
Le 22 octobre 1962, en pleine guerre froide, le monde tremble dans la crainte d’une guerre nucléaire entre les deux superpuissances : dans un discours télévisé, le président Kennedy lance un ultimatum à Moscou. De sa belle voix grave, il exige le retrait des missiles soviétiques installés à Cuba et annonce la mise en place d’un blocus maritime autour de l’île afin d’empêcher la mise ne place de nouvelles installations. Il faut dire que, quelques mois plus tôt, les USA avaient eux-mêmes installé des fusées en Turquie et en Italie, destinées au besoin à frapper l’URSS. Le coup de bluff de l’Américain fonctionne : les cargos soviétiques qui étaient en route vers l’île font demi-tour.
Du bout des lèvres, Kennedy accepte le principe des négociations et prend par écrit l’engagement de ne jamais tenter d’envahir Cuba. Par une clause secrète, il s’engage aussi à démanteler ses missiles qui ciblent l’URSS. Khrouchtchev s’incline et accepte de démonter les sites de missiles cubains.
L’honneur est sauf dans les deux camps. Le monde respire. Les Cubains, quant à eux, se débrouilleront plutôt bien, malgré un blocus commercial qui, jusqu’ici, est toujours officiellement en place.
Avec le recul, on se dit qu’il est heureux que les Russes aient eu un Khrouchtchev plutôt qu’un Poutine et qu’ils aient eu affaire à un Kennedy plutôt qu’à un Trump.
Tout à fait autre chose
On ne saurait laisser passer un 22 octobre sans commémorer un événement majeur : l’anniversaire de naissance de Georges Brassens, né le 22 octobre 1921 à Cette, une ville qui avait le nom d’un adjectif démonstratif. « Mais voyant de l’infamie dans cette homonymie, des bougres s’en sont plaints. Tellement que bientôt, on a changé l’orthographe du nom du patelin… » (Georges Brassens)
Aujourd’hui, on écrit Sète, c’est meilleur pour le tourisme. Et la rue de l’Hospice, qui vit l’enfance de Georges Brassens, s’appelle désormais rue Henri-Barbusse. Tout change. Ça l’a suffisamment attristé pour qu’il en fasse une chanson. Faut dire qu’il était foutrement moyenâgeux.
À peine ado, Brassens commence une carrière de “mauvaise herbe“. Sa participation à quelques affaires de petits larcins le fait repérer par la maréchaussée. Paris lui servira d’échappatoire. Dans tous les sens du terme.
En février 1940, il monte à Paris pour faire oublier sa mauvaise réputation, et apprendre la musique sur le piano de sa tante Antoinette.
Sale époque, Brassens se retrouve dans un camp de travail forcé près de Berlin. Il s’enfuit et trouve refuge chez Jeanne et Marcel, impasse Florimont, dans le 14ème. Il y restera 22 ans. C’est que, chez Jeanne, la Jeanne, son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu, on pourrait l’appeler l’auberge du Bon Dieu s’il n’en existait déjà une…. Georges ne manquera évidemment pas d’aller boire des coups au bistrot de Marcel, dans la rue d’Alésia voisine (Vous savez, Marcel,… c’est lui l’auvergnat qui sans façon lui a donné quatre bouts de bois quand dans sa vie il faisait froid…).
Après la libération, Brassens adhère à la “Fédération Anarchiste” et devient le gérant de leur librairie. Il publie dans le journal « le Libertaire » et en devient bientôt secrétaire de rédaction.
Il rédige des articles, anonymes ou signés Géo Cédille, Gilles Colin, Charles Brenns, Georges, Pépin Cadavre ou encore Charles Malpayé. On y trouve des thèmes qui reviendront dans ses chansons : « Au pèlerinage de Lourdes [chez les marchands de foi] », « Vilains propos sur la maréchaussée », « Idée de patrie : bouée du capitalisme »,…
Ses recueils de poésie ainsi que plusieurs romans sont publiés.
Comme il se doit, Brassens est fiché aux Renseignements Généraux comme « anarchiste intellectuel qui écrit des chansons inspirées des théories libertaires, qui insulte la Police, la Gendarmerie et l’Armée et est poursuivi pour complicité d’adultère ».
C’est dans ces années-là que Brassens a rencontré Pupchen, à qui il a eu l’honneur de ne pas demander sa main, histoire de ne pas mettre sous la gorge à Cupidon sa propre flèche.
Il aura ramé quelques années à écrire des chansons en se grattant le ventre, avant de rencontrer Patachou. Elle tenait un cabaret. Elle a flashé sur Georges. Elle a soigné son trac. Il a chanté dans son cabaret. Deux ans plus tard, il était à l’Olympia. On l’entendait partout où il n’était pas interdit…
Brassens fut, sans doute, l’un des chanteurs les plus censurés sur les ondes. Au moment où sa notoriété commençait à décoller, un rapport des Renseignements Généraux note : « Il y a dans ses œuvres de la rancœur, de l’acidité, mais toujours de la poésie, avec assez facilement une pointe de gaillardise ». Il y a donc des policiers qui sont de fins critiques ! Ça ne fait rien, il y a des flics bien singuliers…
Le mot ‘star’ lui va très mal, mais c’est quand même un peu ça. Il déplaçait les foules et faisait des émules.
Hélas, la Camarde, qui ne lui a jamais pardonné d’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez, l’a poursuivi d’un zèle imbécile… Il venait à peine d’avoir 60 ans, le 29 octobre 1981 quand son âme a pris son vol à l’horizon, vers celles de Gavroche et de Mimi Pinson, celles de titis des grisettes…
Alors, comme il l’avait souhaité, vers le sol natal son corps fut ramené. J’ignore si c’était dans un sleeping du Paris-Méditerranée, mais le terminus était en gare de Sète.
On ne l’a pas enterré sur la plage, ni au cimetière marin où repose Paul Valéry, mais au cimetière du Py, juste au-dessus de l’étang de Thau. Ce cimetière est aussi appelé « le ramassis ». C’est le cimetière dit « des pauvres » en opposition au cimetière marin qui domine la mer.
Allez, on s’écoute Brassens. « Il n’y a d’honnête que le bonheur » (une rareté)
C’est par ici →
Nous sommes le 24 octobre 2022.
Il y a 421 ans…
Le 24 octobre 1601, à Prague, l’astronome danois Tycho Brahe passait de vie à trépas dans des circonstances pour le moins surprenantes : il meurt après s’être trop longtemps retenu d’uriner.
Selon des récits, ce serait au cours d’un trajet de plusieurs heures en carrosse en compagnie de l’empereur Rodolphe II. Pris d’une pressante envie d’uriner, l’astronome n’aurait pas osé demander à l’empereur un arrêt pipi et s’était retenu plus que de raison. De retour chez lui, il s’aperçut qu’il était devenu incapable d’uriner. Il mourut quelques jours plus tard dans d’atroces souffrances, à l’âge de 54 ans.
La cause exacte de son trépas a fait l’objet de nombreux débats. L’explication la plus vraisemblable serait celle d’une rupture de la vessie qui aurait dégénéré en septicémie.
D’après d’autres récits, cette histoire de pipi retenu se serait passée au cours d’un long repas. Ne souhaitant pas contrevenir à l’étiquette en se levant au beau milieu du repas, Tycho Brahe resta assis et se retint bien trop longtemps. Avec les conséquences que l’on sait.
Certains trouvèrent cette histoire par trop invraisemblable, et le bruit courut que Tycho avait été empoisonné. On a fait remarquer que la proximité entre Tycho Brahe et la reine du Danemark était telle qu’il se pourrait bien que le jeune prince du Danemark fût le propre fils de Brahe ! Cela n’allait pas sans susciter quelques ragots… et une sérieuse animosité entre le roi et l’astronome. Il y avait donc quelque chose de pourri au royaume de Danemark.
Selon un spécialiste – car en toute chose, il faut qu’il y ait un spécialiste – cette sombre histoire d’empoisonnement aurait inspiré Shakespeare, et le célèbre « To be or not to be » du prince danois ne serait qu’une allusion subtile (to be pour TB) à l’ascendance réelle ou possible du souverain danois. Il faudrait donc lire « Tycho Brahe or not Tycho Brahe ».
La tombe de Tycho Brahe à Prague a été ouverte en 2010. Ses restes ont été analysés. Il semble que la thèse de l’empoisonnement doive-t-être écartée.
Par la même occasion, les chercheurs ont pu constater que la prothèse nasale que portait l’astronome, à la suite de la perte de son nez lors d’un duel, n’était pas en or comme il le prétendait mais en alliage de cuivre et zinc.
La mésaventure pragoise de l’astronome danois aura au moins laissé une trace en inspirant l’expression tchèque : « Je ne veux pas mourir comme Tycho Brahe. »
Contemporain de l’astronome Giordano Bruno qui finira sur le bûcher, Tycho Brahe s’est attaché, entre autres, à réfuter le système héliocentrique de Copernic au profit d’un système géohéliocentrique qui plaçait la Terre au centre de l’univers et le Soleil en orbite circulaire autour d’elle, mais qui – suivant en cela Copernic – mettait toutes les autres planètes en orbite autour du Soleil.
Cet élégant compromis ne tenait guère la route, mais présentait l’avantage non négligeable d’éviter à son auteur de se voir précipiter dans les flammes par la Sainte Église catholique.
Tout à fait autre chose
Il y a 5 ans, le 24 octobre 2017, décédait le pianiste, chanteur, compositeur et chef d’orchestre Antoine Dominique Domino, dit “Fats Domino”, en raison de son tour de taille considérable. Il ne pesait que 78 kg, mais pour une taille de 163 cm, c’est beaucoup.
Ce chanteur américain de rhythm and blues, qui ne craignait pas de mêler ragtime, boogie-woogie, mélodies cajuns et rythmes latinos aura été l’un des pionniers du rock ‘n’ roll, et sera devenu, de son vivant, un musicien de légende.
Une citation : “A lot of people seem to think that I started this business. But rock ‘n’ roll was here a long time before I came along… Let’s face it: I can’t sing like Fats Domino can. I know that.” (Elvis Presley) (« On dirait que beaucoup pensent que j’ai lancé cette affaire. Mais le rock ‘n’ roll était là bien avant que j’arrive. Il faut regarder les choses en face : Je ne peux pas chanter comme Fats Domino. Je le sais. » (Elvis Presley)
Domino est le nom d’une ancienne famille créole venue travailler dans les plantations de sucre en Louisiane. C’est peu dire que la famille est pauvre, mais pour ces créoles catholiques, la messe du dimanche est prétexte à la fête et la danse.
Dès son plus jeune âge, Antoine adore la musique. Lorsqu’il atteint dix ans, sa famille hérite d’un piano tellement vieux que la rouille apparaît à travers l’ivoire des touches. C’est là-dessus qu’il apprend les chansons qu’il entend à la radio.
À partir de 14 ans, il fait les circuits des boîtes à chanson autour de La Nouvelle-Orléans. On le présente bientôt sous le nom de « Fats » Domino, par comparaison avec le célèbre Fats Waller. Il attirera rapidement les foules.
Entouré des meilleurs musiciens de la Nouvelle-Orléans, Fats Domino va créer un style original qui marquera profondément des artistes comme Little Richard, Elvis Presley, jusqu’aux Beatles, à la soul et au reggae.
En pleine ségrégation raciale, Fats Domino sera la plus grande vedette noire des années 1950 et la première superstar du rock.
À partir de 1955, un nombre important de jeunes blancs affluaient aux concerts, quelques fois pour défier leurs parents favorables à la ségrégation. Fats Domino dominait le marché du rock et chantait désormais aussi dans des salles « blanches ». La corde séparant les publics noir et blanc dans ces salles était fréquemment piétinée, réunissant les jeunes sans discrimination de couleur, ce qui ne manquait pas de déchaîner la répression policière.
Après Louis Armstrong, pendant la lutte pour les Droits Civiques, Fats Domino incarnera le recul de la ségrégation.
Ses succès planétaires comme « Blueberry Hill » sont tellement célèbres qu’ils auront finalement ont fait de l’ombre au reste de sa production.
Allez, à demain peut-être. Et rappelez-vous : « pas de boogie-woogie avant de faire vos prières du soir !»
André Clette
On écoute « Ain’t That a Shame »
C’est par ici : →
Pas de commentaires