07 août 2022
NOUS SOMMES LE 7 AOÛT
Nous sommes le 7 août 2022.
À ma grande honte, j’ai omis d’évoquer la journée mondiale de la bière qui avait lieu vendredi dernier. Aucun belge ne devrait pouvoir laisser passer cela. Ce ne sont pourtant pas des Belges, mais des Californiens qui en ont eu l’idée en 2008. La célébration s’est largement étendue et, en 2011 déjà, ce n’étaient pas moins de 23 pays et 138 villes qui célébraient l’événement si j’en crois Wikipédia. Une tradition vieille de douze ans, pensez si ça se respecte !
Brassée dans la plupart des pays du monde, la bière intervient dans de nombreuses recettes de cuisine, comme ingrédient premier ou secondaire, apportant une caractéristique particulière au mets. La bière est également utilisée pour le lavage ou l’affinage de certains fromages. Elle a aussi été utilisée pour la conservation de la viande. Enfin, le saviez-vous? La bière sert de badigeon après chaulage des murs, comme adjuvant pour accélérer la carbonatation en aidant la chaux à fixer le gaz carbonique. Étonnant, non ?
Sinon, elle peut aussi se boire. Ce serait même le breuvage le plus consommé au monde. Les Sumériens en buvaient déjà au 4ème millénaire avant Jésus-Christ. César dans ses «Commentaires» et Tacite dans ses «Mœurs des Germains», nous apprennent que les enfants de la Germanie : Angles, Saxons, Danois, Belges, Francs, Gaulois du Nord, n’avaient aucune espèce de vin et que leur boisson ordinaire était une liqueur faite de grain fermenté.
Les livres anciens des corporations et métiers flamands parlent, dit-on, d’un roi des Flandres ou du Brabant qu’ils nomment Gambrinus qui aurait vécu 1200 ans avant Jésus-Christ et qui aurait inventé la bière. Pour glorifier cette invention le pape aurait, ajoute-t-on, mis Gambrinus au nombre des Saints, sous le nom de Saint Arnould. Ce Saint-Arnould est généralement représenté en évêque avec un fourquet, c’est-à-dire une pelle à brasser, à la place de l’habituelle crosse d’évêque. Cela dit, les Belges font les fiers avec leurs traditions et leur millier de sortes de bière, mais si la consommation de bière était un sport olympique, les Belges seraient loin d’être sur le podium.
Au palmarès mondial de la consommation de bière par habitant (en 2017), la Tchéquie occupait la première position avec 183,1 litres par habitant et par an, suivie de l’Autriche avec 106,6 litres, et de l’Allemagne, avec 100,1 litres. La Belgique n’arrive qu’en 24ème position, avec 66,4 litres par habitant et par an. Petits joueurs, va !
Tout autre chose
C’est pas tout ça, mais le 7 août, on ne peut pas oublier de commémorer le décès de Joseph Kosma, formidable compositeur français juif hongrois, né Jozsef Kozma, le 22 octobre 1905 à Budapest, naturalisé français en 1949, mort le 7 août 1969.
Formé à l’Opéra de Hongrie, il deviendra directeur d’orchestre à l’Opéra de Berlin où il rencontrera Bertolt Brecht et aura l’occasion de travailler avec Kurt Weill.
En 1933, fuyant le nazisme, il s’installe à Paris et commence à travailler avec Jacques Prévert, pour qui il écrira la musique de plus de quatre-vingt chansons. Il travaille également avec Robert Desnos et Raymond Queneau (« Si tu t’imagines »).
Dès 1936, il compose des musiques de films. Notamment pour Jean Renoir et Marcel Carné: La Grande Illusion, La Marseillaise, La Bête Humaine, La Règle du Jeu… Le trio qu’il formera avec Carné et Prévert est entré à jamais dans l’histoire du cinéma avec Les Visiteurs du Soir (1942) et Les Enfants du Paradis (1945) sous le pseudonyme de Georges Mouque car, en vertu de la Loi (“française”) du 02 juin 1942 « …les Juifs ne peuvent tenir un emploi artistique dans des représentations théâtrales, dans des films cinématographiques ou dans des spectacles quelconques, ou donner des concerts vocaux ou instrumentaux ou y participer…. »
En 1946, Prévert et Kosma écrivent la chanson « les Feuilles mortes », qui figure dans « Les Portes de La Nuit ». La chanson du film, s’intitule Les enfants qui s’aiment. (« Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout / Contre les portes de la nuit »). En revanche, Les Feuilles mortes s’entendent à peine : le héros du film, le jeune Yves Montand, n’en chante que deux vers à mi-voix, plus loin, on entend revenir la chanson en voix off. À sa sortie en décembre 1946, le film est un échec, mais Les Feuilles mortes échapperont à l’oubli en 1949 grâce à Yves Montand.
En 1949, Kosma opte pour la nationalité française. On ne compte plus les vedettes de la chanson qui doivent une part de leur gloire à Kosma. Montand bien sûr, mais aussi Juliette Gréco, “les Enfants qui s’aiment”, Cora Vaucaire, “l’enterrement d’une feuille morte”, les Frères Jacques, Mouloudji … Joseph Kosma est décédé à La-Roche Guyon, le 7 août 1969. S’il ne vous reste pas une de ses musiques en tête, c’est bien triste pour vous.
On ne peut pas non plus laisser passer un 7 août sans évoquer Jacques Douai, décédé le 7 août 2004. De son vrai nom Gaston Tanchon, né le 11 décembre 1920 à Douai comme son pseudo l’indique, Jacques Douai sera l’un des tout premiers à chanter Prévert et notamment les chansons du film « Les Visiteurs du soir ». En 1947, il est le premier interprète masculin de la chanson « Les Feuilles mortes ».
Ceux qui ont eu la chance de le croiser dans l’un ou l’autre cabaret poétique en donnent un témoignage impressionnant : Francis Claude, directeur du Cabaret Quod Libet dans les années 1948-49 : « Un soir d’hiver, une sorte d’apparition s’encadra sous la voûte de l’escalier menant au caveau. Il était vêtu d’un duffle-coat couvert de neige et semblait être l’incarnation d’un Chopin expirant. Il vint à moi et me demanda simplement : « On peut chanter ?» J’acquiesçai, déjà séduit […] Il chanta, et le sortilège produit son effet. L’assistance subjuguée, osant à peine applaudir… » (cité par Gilles Schlesser dans « Le Cabaret rive gauche, de la Rose rouge au Bateau ivre », éd. de l’Archipel, 2006) Citons également le témoignage de Pierre Seghers écoutant Jacques DOUAI à « l’Échelle de Jacob » : « Tout à coup, à travers la fumée, le bar entier se mettait à louvoyer sur les marches du palais ou bien cinglait vers La Rochelle. Nous étions tous transportés dans un autre monde. » (cité par Gilles Schlesser, même ouvrage).
André Clette
On écoute Jacques Douai : « Les Feuilles mortes »
C’est par ici : →
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