NOUS SOMMES LE 27 AOÛT

Nous sommes le 27 août 2022.

Barbara à Amsterdam 1965 (photo Ron Kroon)

Profitons-en pour souhaiter une bonne fête à toutes les Monique, puisque c’est le jour. Ayons aussi une pensée pour la danseuse Ludmilla Tcherina, de son vrai nom Monique Tchemerzine, ainsi que pour Monique Serf, mieux connue sous le nom de Barbara, chanteuse.
Un almanach me propose comme dicton du jour : « À la Sainte-Monique, te plains pas si le soleil pique », mais il exagère, on m’a déjà fait le coup à la Saint Dominique, il n’y a pas trois semaines.

Il y a tout juste trois ans, une vague de chaleur faisait de ce 27 août 2019, le 27 août le plus chaud jamais enregistré en Belgique, le mercure ayant grimpé jusqu’à 32,1° à Uccle. Battrons-nous le record cette année ? Toutes les craintes sont permises.
Bon ! On n’est pas là pour causer météo ou dérèglement climatique, et certainement pas pour discutailler avec les climatosceptiques.

Le 27 août, on peut commémorer le décès de Charles-Édouard Jeanneret-Gris (6 octobre 1887 – 27 août 1965), mieux connu sous le pseudonyme de Le Corbusier, architecte qui conçut l’immeuble d’habitation de Marseille dénommé Cité radieuse, mieux connu des Marseillais sous l’appellation « La Maison du fada ».
On peut aussi commémorer l’anniversaire de naissance, le 27 août 1890, d’Emmanuel Rudnitzky, mieux connu sous le nom de Man Ray.
Mais pourquoi tous ces inconnus connus ont-ils changé de nom ? On n’en sait rien, ça ne regarde qu’eux.
Évoquons donc Man Ray, peintre, dessinateur, photographe, cinéaste et créateur d’objets.

Une photographie de Man Ray

Né à Philadelphie, Man Ray vit ses premières années à Brooklyn. Il y fréquente la « modern school », où l’on pratique une pédagogie inspirée du pédagogue libertaire Francisco Ferrer, et qui promeut des techniques d’expression assez éloignées des techniques traditionnelles. Pour faire bref, disons que, pour contrecarrer le « formatage » de l’enfant, Ferrer proposait une école qui, au contraire, devait le laisser libre face à ses potentialités et ouvert aux possibilités que l’avenir lui suggérerait.
C’est là que Man Ray découvre les arts de la peinture, de la photographie et du cinéma et qu’il choppe le virus de l’anarchie.
En mai 1914, il épouse une poétesse anarchiste belge qui lui aura fait lire Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Mallarmé, Apollinaire… Adon Lacroix alias Donna Lecoeur (ou l’inverse) est, hélas, aussi méconnue sous son pseudo que sous son vrai nom, au point que les biographes sont en désaccord quant à savoir quel est le pseudo et quel est le vrai nom… Ensemble, ils ont le projet d’aller en Europe, mais la guerre qui commence les en empêche. Leur mariage ne durera que quatre ans.

En août et septembre 1914, Man Ray réalise des couvertures aux accents antimilitaristes pour la revue « Mother Earth » de l’activiste féministe et libertaire Emma Goldman. Sa rage contre la première guerre à caractère mondial suscitée par le capitalisme, s’y exprime avec force.
En 1916, il expose à New York des « tableaux-objets ». Rétrospectivement, il affirme qu’il désirait que « le spectateur jouât un rôle actif dans l’acte créateur ». Dans un célèbre tableau avec deux sonnettes, il y avait un bouton, mais « tous ceux qui appuyèrent sur le bouton étaient déçus, car la sonnette ne sonnait pas ». Un autre tableau a été délibérément accroché de travers et « les visiteurs essayaient de [le] redresser, mais le tableau retombait toujours de travers ». Foutage de gueule penseront certains. Toujours est-il que ce motif de la participation de tout un chacun à la création sera récurrent chez Man Ray.
En 1919, Man Ray se déclare ouvertement « anarchiste confirmé », et collabore à la revue artistique d’avant- garde « TNT ». « TNT avait une position radicale », raconte-t-il. « C’était une longue tirade contre les industriels, exploiteurs des travailleurs… »

une autre photo célèbre de Man Ray

Peu après, il rencontre Marcel Duchamp à New York. En 1920, ils fondent ensemble la section américaine du mouvement Dada.
Émigré en France l’année suivante, Man Ray intègre le mouvement surréaliste.
Plus tard, il racontera son arrivée un 14 juillet à Paris et comment dès le premier soir, par l’entremise de Marcel Duchamp, il se retrouve entouré de « Breton, Eluard, Aragon, Philippe Soupault… je ne parlais pas un mot de français…. ». Il dit de son arrivée à Paris, « “c’est comme si j’étais un bébé nouveau-né qui devait recommencer [sa] vie ! »
En France, Man Ray réalise des photos de mode, tire des portraits des personnalités artistiques de l’époque (James Joyce, Jean Cocteau …) et tourne plusieurs films. Il invente le rayogramme, dont la technique consiste à reproduire le tracé d’un objet en le posant sur un papier photosensible. Il crée des objets surréalistes et participe à la première exposition surréaliste à Paris en 1925.
Avec son invention de la « rayographie », Man Ray conçoit des images sans l’intermédiaire d’un appareil. C’est l’objet lui-même qui imprime sa présence par le biais d’un faisceau lumineux, bouleversant du même coup le rapport à l’objet et le rapport à l’image.
À partir de là, il met en place une exploration systématique de la photographie comme médium artistique : macrophotographie, solarisation, superposition de négatifs, photogrammes, photos d’objets non identifiables, exploration de la texture, du grain de la pellicule, du rapport positif/négatif… La photographie est utilisée comme instrument d’observation, pour la saisie d’objets et de situations insolites, la recherche de perspectives surprenantes, la saisie d’images floues du mouvement, l’exploration de l’instantané, etc.
En 1966, Man Ray recevra le « Prix culturel de la Société allemande de photographie », et en 1974, la « médaille du progrès » de la Royal Photographic Society.
« Le peintre est généralement plus fier de son art que le photographe du sien, et c’est un tort pour le photographe. » (Man Ray)
Je ne sais pas ce que vous entendez comme musique en contemplant le travail de Man Ray. Moi, il me semble que c’est un morceau en forme de poire d’Erik Satie.
Écoutons-le ensemble.

Erik Satie : « Trois morceaux en forme de poire : II. Enlevé », pour piano à quatre mains (Alexandre Tharaud, Eric Le Sage, pianos, Harmonia Mundi)
C’est par ici : →

Voilà pour Man Ray.

C’est tout pour aujourd’hui. Pensez à marcotter les rhododendrons et à surveiller les pucerons sur les chrysanthèmes.

André Clette

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