DEUIL AU CHAMPAGNE ET TRAHISONS EN SÉRIE par Voske (expert en tout)

FAIRE-PART. C’est Pierre Desproges qui en avait le mieux parlé : « Il y a plus d’humanité dans l’œil d’un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil ».
La mort à 96 ans du patriarche de l’extrême-droite française a une nouvelle fois fait la démonstration de l’état de pourriture idéologique et de déchéance morale d’une partie de de la sphère médiatico-politique en France.
Tortionnaire (guerre d’Algérie), raciste (« il est évident qu’il y a une hiérarchie des races »), négationniste (le « détail » des chambres à gaz), colonialiste, homophobe, nostalgique du régime de Vichy, antisémite compulsif, et souvent condamné pour ces différents motifs par différents tribunaux français – on aurait pu, en guise d’éloge funèbre, tirer la chasse et de sabrer le champagne. Ce que firent d’ailleurs spontanément des milliers de personnes un peu partout en France pour fêter la chose. Et une crapule de moins, une !

EH ! BIEN NON, PAS DU TOUT. Entre ceux qui ont profité de la circonstance pour… vomir sur Mélenchon, ce qui est tout de même un comble (comme la triste Sophia Aram, l’abominable Plantu et les habituels porte-flingues de Netanyahu sur CNews et BFM-TV ) (1), et tous ceux qui se sont cloué un menhir sur la langue pour « euphémiser » ses crimes, il y avait pas mal de monde dans le cortège des faux-culs et des collabos.
La Palme d’Or de cette faussecuterie molle revient incontestablement à François Bayrou – avec la circonstance aggravante qu’il s’exprimait en tant que Premier Ministre : « Au-delà des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond, JM Le Pen aura été une figure de la vie politique française. On savait, en le combattant, quel combattant il était ».
Ouais, ouais, ouais. « Une figure politique » … « un combattant » … la honte !
On voit surtout que Bayrou a besoin des voix du Rassemblement National pour éviter la censure de son gouvernement dès la semaine prochaine – et qu’il est prêt à raconter n’importe quoi pour éviter cela.
Comme d’oser appeler « polémiques » les multiples condamnations judiciaires de Jean-Marie Le Pen pour racisme, antisémitisme et négationnisme. « Son arme préférée », dixit Bayrou.
Bien qu’il ne dédaignât pas, à l’occasion, la batte de base-ball, la gégène et le poignard des Jeunesses Hitlériennes (3).

CITATION : « Je n’ai jamais souhaité la mort de personne, mais il m’arrive de lire avec plaisir la rubrique nécrologique » (Mark Twain).

ÉTAT DE SIÈGE. Selon le Canard Enchaîné, Gérard Larcher, le président du Sénat français, plus connu au Palais du Luxembourg pour sa gloutonnerie et pour sa cave que pour ses idées, a commandé un nouveau siège présidentiel à … 40.000 euros (hors TVA). On ne connait pas encore le prix de la table. Mais c’est toujours un plaisir d’entendre ces gavés, gras du cou, prôner la rigueur budgétaire… pour les autres.

NÉGOCIATIONS. Eh, oh ! Le Parti Socialiste Français… ! Vous trahissez un peu trop vite, là, je n’arrive plus à suivre ! Il y a six mois, vous aviez gagné les élections législatives en France avec le Nouveau Front Populaire. Avec vos partenaires écologistes, communistes et insoumis, vous portiez ensemble un « programme de gauche » qui supprimait notamment le recul de l’âge la retraite à 64 ans. Votre discours commun, c’était « Lucie Castets à Matignon ». Point.
Quand Macron a finalement nommé Michel Barnier, vous avez d’abord justement dénoncé la trahison du résultat des élections du mois de juin.
Puis vous avez fait tomber ensemble son gouvernement et son budget réac – après qu’il eut refusé le budget « alternatif » que vous aviez point par point amendé, négocié et fait voter ensemble par l’Assemblée Nationale.

TRAHISONS. Après, cela s’est méchamment gâté. Après la nomination de François Bayrou comme nouveau Premier Ministre, vous avez soudain voulu « négocier » la composition de son nouveau gouvernement – et vous avez entraîné les Verts et le PCF dans cette aventure. Car en quoi Bayrou était-il moins usurpateur et moins illégitime que Barnier ?
Bilan de cette brillante « négociation » : les Français ont hérité d’un gouvernement particulièrement glamour avec Bayrou Borne, Retailleau, Darmanin et Vals. La fine fleur et le fond du pot de la Macronie.
Toutefois, comme le banquier Éric Lombart, le nouveau ministre de l’Économie et des Finances, était l’un de vos « amis » (dixit Olivier Faure à Apolline de Malherbe), vous avez ensuite prétendu « négocier » l’une ou l’autre mesurette symbolique « en échange » d’une non-censure du gouvernement Bayrou !
On vient même d’entendre le socialiste Jérôme Gedj (le 10 janvier sur Sud Radio) reparler soudain d’une « retraite à points », une filouterie qui avait pourtant férocement été combattue il y a peu par la toute gauche et la majorité des syndicats (4) !

CONGRÈS. Or comme l’a rappelé Éric Coquerel (le président LFI de la Commission des Finances), François Bayrou est reparti du même texte de budget que Michel Barnier. En supposant qu’il veuille « négocier » quelque chose, ce qui est en soi très contestable, sa marge de manœuvre est donc, de toutes façons, pratiquement nulle.
Par contre, et c’est probablement l’objectif recherché, tout ce cinéma autour de prétendues « négociations » divise profondément le Nouveau Front Populaire – jusqu’à menacer aujourd’hui son existence même. Puisque la France Insoumise a toujours refusé de s’associer à cette inutile « danse du ventre » devant les Macronistes.
L’hypothèse la plus probable est donc qu’Olivier Faure, dans la perspective du 81 ème Congrès du Parti Socialiste, qui doit se tenir d’ici l’été prochain, préfère rompre dès à présent avec le Nouveau Front Populaire pour tenter de sauvegarder au moins l’unité de son propre parti (dont une petite moitié est opposée à toute alliance stratégique avec LFI).

D’autre part, en cas de présidentielle anticipée, seule la France Insoumise a aujourd’hui le candidat, le programme et la capacité organisationnelle pour mener à bien une telle campagne en quelques semaines. Cela aura certainement un effet d’entraînement sur une partie au moins du Nouveau Front Populaire – mais pour les raisons ci-dessus évoquées, cela pourrait aussi diviser et marginaliser le PS, qui n’a pas tout à fait oublié les derniers scores d’Hamon et Hidalgo, même s’il rêve à celui de Raphaël Glucksmann aux européennes.
En ménageant ainsi Bayrou, Faure espère retarder cette échéance au maximum – et tenter de rester au « centre du jeu ».
Mais il le fait au prix d’un spectaculaire retournement de veste – qui sera nécessairement vécu comme une trahison par de nombreux électeurs de gauche.

VILLENEUVE-SAINT-GEORGES. Quelle est la capacité de mobilisation de la France Insoumise « seule », en dehors du socle commun du Nouveau Front Populaire ? On aura bientôt l’occasion de le tester en grandeur nature, lors de l’élection  anticipée de Villeneuve-Saint-Georges, le 26 janvier, suite à la démission du tiers de son conseil communal.
Cette petite ville populaire de 36.000 habitants, une des plus pauvres du Val-de-Marne, avait été arrachée aux communistes en 2020 par la droite – mais elle l’a ensuite gérée de façon tout-à-fait catastrophique.
Or c’est aussi la ville où habite le jeune député insoumis Louis Boyard, qui y a initié la liste « Dignité, Fierté et Solidarité », créolisée à l’image de ses habitants, et qui s’est largement bâtie en dehors de toutes les structures de la gauche dite « traditionnelle ».
Elle sera ainsi opposée à une autre liste conduite par Daniel Henri, le premier adjoint de la mairie quand elle était dirigée par le PCF, qui a le soutien des communistes, des socialistes et des écologistes.
Mais à l’élection présidentielle de 2022, Mélenchon avait fait 46, 5 % dans cette ville – contre 2% à Jadot (le Verts), 2% à Roussel (PCF) et 0,98% à Hidalgo (PS). La dynamique de l’union n’est pas nécessairement là où on l’imagine.
Cette « nouvelle France » créolisée, que les Insoumis ambitionne d’incarner, pourrait donc bien trouver ici l’un de ses premiers véritables ancrages municipaux – avec une implication des habitants eux-mêmes à tous les niveaux de pouvoir, des gestion et de décision. La première commune française « conseilliste » ? Un tour de chauffe et un laboratoire citoyen pour les municipales de 2026 ? Louis Boyard, qui y avait été réélu député en juin avec plus de 60% des voix, en revendique en tous cas la mairie.
En attendant, un journaliste du média d’extrême-droite « Frontières » a relevé que, sur la liste de Louis Boyard, « 26 noms sur 38 avaient une consonance étrangère, africaine ou arabo-musulmane ». C’est cela, oui.
Un peu comme « Bardella » et « Zemmour » ?

par VOSKE, expert en crapuleries, en gégène et en patronymes

SIX MOIS DE RENIEMENTS DU PARTI SOCIALISTE par Manuel Bompard :

1) « Pour nous c’est clair, Macron doit nommer Lucie Castets comme Première ministre »
2) « Notre ligne rouge, c’est un premier ministre du Nouveau Front Populaire »
3) « Notre exigence, c’est un premier ministre de gauche »
4) « Pour que nous puissions être d’accord, il faut un premier ministre porteur des grandes priorités du Nouveau Front Populaire »
5) « Il est clair que si Bruno Retailleau est au gouvernement, il n’y a pas d’accord possible »
6) « Si Retailleau est ministre de l’intérieur, il ne peut pas y avoir de discussions si il porte une loi sur l’immigration »
7) « Le préalable à l’ouverture de toutes discussions, c’est l’abrogation de la réforme des retraites »
8) « On pourrait discuter d’une conférence sociale sur les retraites »
9) « Il vaut mieux ramener des victoires à la maison que rester dans une posture d’opposition »
10) « De toutes façons, c’est la faute à Mélenchon »
De reniements en reniements, que reste-t-il de la fidélité au programme du Nouveau Front Populaire ?

Manuel Bompard (sur les réseaux sociaux)

(1) https://www.lecanardenchaine.fr/politique/49843-le-senat-en-etat-de-siege
(2) Dans l’hebdo « Marianne », qui n’est franchement pas « mélenchoniste », Louis Nadau démontre en quoi présenter JLM comme « l’héritier » de JMP est « une absurdité complète ». Et il conclut : « les véritables héritiers de Jean-Marie Le Pen et de son Front National sont bel et bien le Rassemblement national et Reconquête ! ». Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant.
(3)

(4) https://www.sudradio.fr/emission/le-petit-dejeuner-politique-sudradio-339

Le Meeting de lancement de campagne de Louis Boyard et de sa liste citoyenne à Villeneuve-Saint-Georges :

2 Commentaires
  • Guy Leboutte
    Publié à 14:54h, 11 janvier

    Bon, j’ajoute la fin de l’article:

    Le poignard atterrit dans le buffet de la salle à manger des Moulay. Il y restera jusqu’en avril 2003, date à laquelle l’envoyée spéciale du Monde à Alger réussit à le rapporter en France. Cette pièce à conviction sera présentée à la 17e chambre, lors du procès en diffamation intenté par Jean-Marie Le Pen contre Le Monde, le 15 mai suivant.
    En acier trempé, long de 25 centimètres et large de 2,5 centimètres, il s’agit d’un couteau du type de ceux qu’utilisaient les Jeunesses hitlériennes, fabriqué par des couteliers allemands de la Ruhr, selon l’enquête menée par le journaliste Sorj Chalandon. La lame porte le nom de J.A. Henckels, fabricant à Solingen. Le manche, en partie recouvert de bakélite noire, est incrusté d’un losange dont l’écusson est tombé dans les années 1970, à force d’avoir été manipulé par les enfants Moulay. Sur le fourreau de ce poignard, on peut lire : J. M. Le Pen, 1er REP.

  • Guy Leboutte
    Publié à 14:38h, 11 janvier

    Pour les précisions sur le poignard de Jean-Marie Le Pen, article du Monde de 2012 :

    Guerre d’Algérie : le poignard de Le Pen
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/03/16/le-grand-blond-au-poignard_1669337_3212.html
    Publié le 16 mars 2012 à 13h06 Lecture 1 min.
    Par Florence Beaugé

    Au matin du 3 mars 1957, Mohamed Cherif Moulay, 12 ans, découvre un poignard dans le couloir d’entrée de la maison familiale, dans la Casbah d’Alger. Accrochée à une ceinture de couleur kaki, l’arme gît dans un recoin obscur. C’est un oubli des parachutistes français qui ont soumis la nuit précédente son père à “la question”. Ahmed Moulay, 42 ans, a été torturé à l’eau et l’électricité, en présence de ses six enfants et de son épouse, avant d’être achevé d’une rafale de mitraillette. Le supplicié a les commissures des lèvres tailladées au couteau. Un communiqué de l’armée annoncera qu’il a été abattu alors qu’il tentait de s’enfuir. Quand il trouve ce poignard, Mohamed Cherif Moulay le cache dans le placard du compteur électrique de l’entrée.

    Les parachutistes reviennent à deux reprises, les jours suivants, mettent la maison à sac. Pour rien. L’enfant se tait. Rania Moulay, elle, se rend au commissariat pour porter plainte. On lui dit : “Votre mari est mort au cours d’un règlement de comptes entre fellaghas.” Apprenant l’épisode, un père blanc, le père Nicolas, s’indigne et intervient. Les gendarmes finissent par ouvrir une enquête. “Pour qu’ils soient obligés d’admettre que ce n’était pas des fellaghas mais des militaires français qui avaient tué mon père, je leur ai donné la ceinture de toile kaki, mais pas le poignard que j’ai détaché de la ceinture et gardé”, se souvient Mohamed Cherif Moulay, âgé aujourd’hui [2012] de 67 ans. L’enquête n’aboutira jamais.

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