MÉLENCHON, OUI, HOLLANDE, NON. ET BAYROU, J’EN PARLE PAS (par Bruno Gaccio, sur les réseaux sociaux).

NDLR : Co-créateur des Guignols de l’Info, à Canal +, Bruno Gaccio est membre du Parlement de l’Union Populaire depuis 2021

L’un n’est pas aimé pour de bonnes raisons, l’autre serait détesté selon des sondages. Je ne m’étale pas sur les sondages dont le commanditaire pose les questions sous une forme qui induit la réponse et je vous renvoie à la lecture de Noam Chomsky ou Edouard Bernays pour les détails concernant la manipulation de masse. Pour les sondages, je simplifie souvent en disant que ce qui devrait fonctionner comme un thermomètre fonctionne en fait comme un thermostat. Bref.

Attardons-nous sur le désamour du premier, Mr Hollande. Encore que désamour soit un terme impropre car pour “désaimer“ quelqu’un encore eut-il fallu que nous l’eussions aimé un jour. Nous fûmes nombreux à voter pour lui en 2012 ? Certes. Mais d’amour mon dieu non. Les choses ont-elles changées ? Oui. Grandement, radicalement, fondamentalement.
Quand arrive Mr Hollande au sommet de l’État en 2012, il arrive avec la doctrine socialiste en cours, celle construite autour de l’économie de marché définitivement acceptée comme l’avait fait les socialistes allemands à « Badgodesberg ». Il y a même une date précise – prenez des notes les plus jeunes – c’est le vendredi 23 mars 1983 à 11 heures du matin. Ce jour-là ça s’est engueulé velu dans le bureau de Mitterrand à l’Élysée et le choix qui fût fait par les tenants de cette économie de marché, en opposition aux socialistes de rupture, fût de rester dans le Système Monétaire Européen, matrice du futur Euro (Henri Emmanuelli a décrit la scène dans un discours).
Cela a conduit à un plan d’austérité sévère destiné à prendre en compte, justement, les contraintes monétaires et européennes de l’Économie de Marché.

À l’époque Jospin, alors 1er Secrétaire du PS avait dit « c’est une parenthèse ». Mais comme il ne l’a pas refermée en arrivant lui-même au pouvoir en 1997, nous avons eu droit à la plus grande parenthèse de l’histoire. Re-Bref.
L’acceptation de l’économie de marché au PS ne date pas d’hier, et ça n’est même pas le problème, parce que tous autant que nous sommes, nous ne semblons pas voir comment vivre autrement que dans une économie d’échanges marchands. Re-Re-Bref.
Cette doctrine ouvrait la porte à la « modernisation », la « rénovation », la « refondation », et autres épithètes destinés à faire sérieux dans le journal plutôt qu’à éclairer le contenu d’une véritable réflexion, nous, Jean Degauche, avons accepté cette quête de “respectabilité“ par faiblesse, lassitude et dégout de Sarkozy.
Cette acceptation ne fût pas si douloureuse, parce qu’elle était soutenue par au moins trois gardes fous, trois limites, trois remparts qui constituaient, croyait-on « l’encadrement » du capitalisme :
1 – on ne marchandise pas tous les biens et services : la vie, la culture, l’éducation, le logement social, l’énergie, les transports, la santé etc. etc. Re-Re-Re-Bref : tout ce qui constitue le service public.
2 – la justice sociale et un minimum de dignité pour l’être humain. C’est les Socialistes qui parlaient de « minimum », déjà il eut fallu activer la méfiance maximum à cet instant, nous avons laissé faire parce que redistribution, législation sociale et Code du Travail restaient les bases solides de la doctrine socialiste.
3 – L’intervention de l’État quand le marché est déficient.
(Sauver les banques par exemple, n’est pas qualifié d’assistanat bancaire il me semble)

Alors qu’est-ce qui gêne et qui crée ce désamour complet avec le flan ?
C’est qu’il s’est vendu pour une poignée de valise à une entité supranationale qui ne souhaitait qu’une chose : l’ultime renoncement, la reddition sans condition, l’acceptation complète de la norme en vogue après le référendum de 2005 et de la trahison du vote populaire par le traité de Lisbonne deux ans plus tard : celle du libéralisme économique triomphant et sans contestation possible.
C’est Hollande qui a accepté ça, la fin de toute régulation, du concept d’égalité et de justice sociale.
Sarkozy avait rempli la coupe, le ravi a fait avaler la ciguë à notre gauche.
Celle qui se vante encore aujourd’hui à travers les discours pathétiques de morts vivants d’être “de gouvernement”. Vous les reconnaissez. Je ne les citerai donc pas.
Celles et ceux qui construisent un destin personnel sur un renoncement collectif envahissent encore les plateaux de “débats”, que par habitude leur présentent encore leurs affidés médiatiques.
Voilà l’Histoire. Elle a ses détails bien sûr, je vous donne ici les grandes lignes.
Hollande n’est pas allé assez vite dans sa tâche, des frondeurs ont ralenti la marche de son dessein, et Mr Macron est arrivé pour planter les clous dans le cercueil. Voilà pourquoi dans le titre je dis « Mélenchon oui ».
Lire quelque chose de positif sur le personnage dans Médiapart oblige à l’écrire soi-même dans la partie blog, je sais…

Mais il faut être clair : il est celui qui a permis qu’aujourd’hui qu’existe encore une gauche.
Une vraie, Sociale, écologique et redistributive, digne et à la recherche perpétuelle des équilibres les plus justes pour qu’un groupe humain vive dans une relative harmonie sans se foutre sur le museau à longueur de vie.
Pas une extrême gauche, non amis veaux beuglants et incultes, parce que si vous vous donniez la peine de lire le programme autour duquel – insoumis que je suis depuis tout petit et pas seulement depuis qu’un mouvement se nomme ainsi – je me retrouve avec des millions d’électeurs, vous constateriez qu’il est bien loin des ruptures de 1981 et qu’il est en fait un encadrement plus sévère de ce capitalisme honnis – même si les discours disent le contraire bien souvent.

Il a juste intégré une composante incontournable : la fin de l’humanité. Pour la première fois elle est en vue. Pas pour ma génération, encore que, mais celle de mes petits-enfants va en baver.
Changer de direction, bifurquer dit-il, c’est le moment, l’ultime. Je répète cette métaphore encore une fois parce qu’elle est éclairante et que je la trouve jolie : quand vous voulez aller de Lyon à Marseille par l’autoroute et que plus vous roulez plus vous voyez des panneaux « Lilles-Roubaix-Tourcoing », c’est que manifestement vous n’êtes pas dans la bonne direction.
Il ne sert à rien de ralentir, vous ne feriez qu’aller moins vite au mauvais endroit. Il faut faire demi-tour. La prochaine sortie pour une 6e République c’est paraît-il 2027. Moi je fais le pari qu’il existe une sortie de service avant. Démission (destitution ?), élection, et que le meilleur gagne. Amen.

Bruno Gaccio (dans son blog de Médiapart et sur les réseaux sociaux)

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