10 avril 2023
LIÈGE-EN-CHANSONS
La Ville de Liège et ses environs sont depuis toujours un des épicentres de la chanson francophone et wallonne en Belgique. Il y a bien sûr Bruxelles, dont je viens de découvrir malicieusement qu’elle était l’anagramme de Brel-Luxes (haha). Et une myriade de petites villes wallonnes ont souvent hébergé un “artiste local”, comme William Dunker à Charleroi, Paul Louka à Marcinelle, Daniel Hélin à Ottignies, Jean-Luc Fonck à Arlon, Jo Lemaire à Gembloux et Julos à Tourrines-la-Grosse.
Mais Liège a un statut “à part”.
Bien que bruxellois, c’est à Liège que j’ai fait ma première “grande salle” en 1973, à une Fête de la Paix au Palais des Congrès, où je partageais alors l’affiche avec Paul Louka et Catherine Ribiero. Dans ma géographie personnelle, c’est une ville où j’ai aimé, vécu et travaillé. Les Semalologues en retrouveront quelques traces dans les textes de mes chansons (1).
Et depuis cette époque, j’ai régulièrement chanté dans divers “petits” lieux de la région : “Les 6 Cordes” à Esneux, le “Centre Culturel Fassotte” à Trooz, la “Casa Nicaragua” en Pierreuses et le “Cirque Divers” en Roture, ou, un cran au-dessus, les Centres Culturels de Seraing et de Soumagne. Sans oublier le merveilleux “Cabaret des Forges”, au bout de la rue St-Léonard, puis au Château des 4 Tourettes, où Andrée et Jean-Marie (ouvriers à la Ville de Liège, communistes et naturistes) vous accueillaient en costume de Nanette et Tchanchès, avant de partager avec vous et le public, à la fin du spectacle, une grande tablée de boulets sauce lapin négociée au prix du pain aux abattoirs de la ville.
Andrée, qui finit par chanter elle-même sous le nom d’Andrée des Forges, habitait avec Jean-Marie dans une petite maison ouvrière, dans une ruelle perpendiculaire à la Meuse, qui se donnait parfois des faux airs d’impasse Florimont (ils hébergèrent notamment, suite aux aléas de la vie, Bruno Brel et Jacques-Ivan “Dudu” Duchesne).
La géographie (les bras de la Meuse) et l’Histoire (des liens particuliers avec la République Française et Aix-la-Chapelle) ont nourri à Liège une certaine insularité, et une forte identité régionale, où la chanson a toujours eu, dans la “cité ardente”, de vraies racines populaires.
Il y eut très longtemps, du côté du Marché de la Batte, deux cafés chantant : “Les Caves de Porto”, et surtout “Les Olivettes”, où les clients faisaient eux-mêmes le spectacle, et où, tous les week-ends, une incroyable petite pianiste, qui semblait toujours assise sur deux bottins de téléphone, accompagnait au doigt levé, pendant des heures, tous les standards de l’opérette et de la variété française.
La région liégeoise fut aussi une pépinière de “chanteureuses” comme Christiane Stefanski, Jacques Hustin, Jean-Pierre Froidebise, Jacques-Ivan Duchesne, Patrick Dewez, Pierre Martin, Joseph Reynaerts, Jacques Lefebvre, Guy Cabay, Yves Teicher (et même Maurane, Tasquin et Rapsat, si on y joint Verviers, la petite ville voisine).
Et pardon à celleux que j’oublie.
Au Conservatoire de Liège, les classes de jazz (Steve Houben) et d’improvisation (Garrett List) ont formé quelques générations de musiciens qui accompagnèrent tout ce beau monde.
Et le Centre RTB de Liège, alors sans F, particulièrement dynamique ces années-là, ouvrait régulièrement son antenne aux artistes locaux.
Cette semaine, au hasard d’une programmation commune à Comblain-au-Pont (2), je vais partager la scène avec trois héritiers de cette riche histoire commune : Michel Feilner, Jacques Evrard et Philippe Anciaux.
Quand j’ai connu Michel, c’était visiblement un fan de Renaud, à qui il avait emprunté son parler-chanter caractéristique et son foulard de voyou. Il vendait des roses dans les restaurants de Liège pour survivre. Puis il a été engagé au cinéma Le Parc, dont il est devenu un pilier à l’accueil. Il s’invente depuis régulièrement, dans de petites salles de la région, des soirées “à thèmes”, où il revisite à la guitare le répertoire d’un chanteur “connu” (Béranger, Ferré, Higelin,…). Beau gosse, avec un look de rocker un peu fatigué, c’est un “vrai” amateur de chansons, que je soupçonne de dormir parfois avec une de ses dix guitares.
De Jacques Evrard, je sais surtout qu’il organise depuis 2011 le Festival “Georges Brassens” à Liège, dont il chante par ailleurs avec sensibilité le répertoire.
Depuis peu, il présente parfois, en duo avec Michel, des soirées thématiques aux titres improbables (comme “Deux Singes en Ivresse”). Un sourire malicieux caché derrière ses lunettes, il balance un jeu de mot pourri toutes les trente secondes (on dirait Libellule dans une BD de Gil Jourdan).
Quand à Philippe Anciaux, qui a gardé sa carrure d’ogre, malgré la perte de 40 kilos, j’ose à peine le présenter, tant il fut, dans les années ’70 et ’80, un des poids lourds de la chanson en Wallonie, avec plus de cinq albums au compteur.
Puis il passa de l’autre côté du miroir, au début des années 90, pour devenir directeur du Centre Culturel de Seraing. Malgré un chouette album de reprises en 2014, avec Line Adam au piano, c’est sous cette casquette-là qu’il a fini sa “carrière”. Aujourd’hui “jeune pensionné”, il revient comme un saumon à ses “anciennes amours” : le plaisir de chanter.
Je suis arrivé à Liège en train, ce qui m’a permis pour la première fois de découvrir le travail de Buren, sur les arches aériennes de Calatrava, à la Gare de Liège-Guillemins.
J’ai été heureusement surpris par ces grandes taches colorées et translucides qui jouaient sous les pieds des voyageurs dans le frais soleil printanier liégeois. Joli et subtil.
Évitons seulement de parler de ce que tout cela coûte, coûtera et a coûté.
Jacques et Michel habitent, à huit étages d’écart, la même tour-immeuble en Outremeuse. De là-haut, la vue sur Liège et la vallée de la Meuse est vertigineuse, panoramique et carte-postalesque.
Philippe, qui me reconduira tantôt à la Gare des Guillemins, habite lui à la campagne, à trente kilomètres d’ici. Né dans une famille de paysans, ses poumons préfèreront toujours le purin au diesel (bien que, lorsque je l’ai connu, il montait aussi des pneus dans un garage).
Au vingt-troisième étage, Michel Feilner nous accueille comme un Prince de Roture, avec ses dix guitares et ses trente chapeaux cloués au mur.
Sur le chemin de table, il y a du café frais, des éclairs au chocolat et des gosettes aux cerises. Et je finirai bien par comprendre comment fonctionne l’enregistreur de mon I-phone.
Claude : Donc, tu n’étais pas un fan de Renaud ?
Michel : Non, faux, archi faux. J’étais un fan de Béranger, à qui Renaud a piqué son look, et moi j’ai piqué le look de Renaud, donc j’ai piqué le look de Béranger (rires).
On s’en fout, mais c’est vrai que je lui ressemble, à Renaud, on pourrait presque passer pour des frangins.
Mais quand je vendais des fleurs dans les restaurants en chantant, j’étais plutôt en smoking et en canotier, pas en blouson de cuir.
Claude: Tu chantais dans les restos aussi ? C’était un plan “roses et chansons” ? Des chansons à toi ?
Michel : Plutôt des chansons comiques. Surtout des chansons de Brassens. C’était mon gagne-pain, quoi. Les gens me demandaient tout le temps de chanter Aznavour, mais je n’en connaissais aucune. Les gens, ce qu’ils préfèrent, c’est Aznavour.
Claude : Les gens dans les restaurants.
Michel : Oui, mais tu sais, c’est là qu’on les rencontre, les gens : dans les restaurants. Je pensais avant qu’ils étaient tous à la Casa Ponton. Que les gens, c’étaient tous des marginaux. Mais non, ils étaient tous au restaurant (rire).
Claude: Comment étais-tu accueilli avec tes chansons ?
Michel : Au début, j’avais juste des fleurs, un circuit d’une trentaine de restos. J’étais habillé impec, smoking, nœud pap’, canotier. J’arrivais avec mes grandes fleurs – des fleurs de qualité. J’embêtais surtout pas les clients, je passais entre les tables :
– “Une petite fleur pour madame, monsieur ?”
– “C’est son anniversaire, vous ne pouvez pas lui offrir une fleur ?”
– “Vous savez, mon rôle n’est pas d’offrir des fleurs. Je vends des fleurs. Mais si vous voulez, je peux vous offrir une chanson”.
J’allais trouver le patron :
– “Monsieur, ça ne vous embête pas de couper la sono ? Je vais chanter une chanson”.
–” Non, bien sûr que non”.
Je chantais une chanson, les autres tables entendaient…
Claude : Avec ta guitare ?
Michel : Non, non, a capella. Après, les autres tables me demandaient : “Nous aussi, on veut une chanson !”. Et ainsi de suite. Et les trente restaurants sont devenus dix restaurants, mais avec des chansons, et je gagnais aussi bien ma vie. Les patrons me demandaient parfois : “J’ai pris du retard en cuisine, je suis dans le jus, tu veux bien t’occuper des tables trois et quatre ? Tu offres une fleur à toutes les dames, et tu les fais patienter”.
Quand j’arrivais, les gens me disaient parfois : “Monsieur, vous êtes un rayon de soleil”!
J’aimais bien de faire ça !
Même si, au début, je me disais que je n’y arriverais jamais.
Mais quand j’ai vu les biftons entrer dans ma poche, je me suis dit : “Je ne ferai plus jamais que ça”! (rires).
Et puis après, j’y ai été avec des semelles de plombs, et puis j’ai arrêté.
Claude : On va revenir à toi, mais maintenant que Philippe a fini de manger sa gosette aux cerises… (rires). Philippe, j’ai un peu honte de te “présenter”, parce que tu as été un des chanteurs wallons les plus populaires, et que tu as enregistré six albums. Et pourtant, à un moment, tu as arrêté pour devenir directeur du Centre Culturel de Seraing…
Philippe : J’étais éducateur, et puis j’ai gagné le Prix de la Chanson Wallonne, et ça m’a incité à continuer. Il y avait beaucoup de lieux à chansons, beaucoup de Festivals, et on chantait beaucoup. Ce qui fait que j’ai arrêté mon boulot d’éducateur.
J’ai d’abord été considéré comme un chanteur wallon, puis comme un chanteur “engagé”, et c’est progressivement devenu beaucoup plus difficile.
Un jour, je chantais “au Cora”, comme on dit chez nous, pour l’anniversaire des enfants, et une dame est venue me demander de chanter la valse des canards, je ne sais plus quoi, j’ai tapé mon micro sur le mur et j’ai arrêté de chanter pendant un an.
J’ai travaillé pendant un an comme sondeur pour Unisop, je faisais du porte à porte, ça me faisait chier mais ça me permettait de remplir le garde-manger.
Et je me suis aussi rendu compte, en faisant cela, combien en fait j’étais connu… Je n’ai jamais eu d’orgueil pour ça, mais c’est vrai.
Tu sais, en ce temps-là à Liège, quand je sortais un disque, il y avait une de mes chansons qui passait tous les jours sur “Liège Matin” pendant deux mois. Tous les matins !
Claude : Tu autoproduisais tes propres disques ?
Philippe : Le premier. Après, j’ai trouvé des producteurs, mais toujours des petites boîtes alternatives. Mais ensuite, c’est devenu trop dur, je ne gagnais plus ma vie.
On bouffait de la vache enragée, et encore, pas tous les jours ! J’ai donc fait ces sondages, et puis j’ai progressivement recommencé à chanter dans des salles plus petites, dans le réseau des cabarets. Je ne vais pas dire à gauche et à droite, parce que c’était toujours à gauche, mais des petits lieux à Bruxelles, à Charleroi, un peu partout.
Et puis, je ne sais pas pourquoi, un jour, à Malmédy, j’ai vraiment été malade avant de monter en scène, et je me suis dit : “est-ce que cela vaut vraiment la peine de jouer sa peau comme ça tous les soirs”, parce que je crois que c’est ça notre métier, ce don de soi.
Et un peu plus tard, j’ai eu l’opportunité de reprendre la direction du Centre Culturel de Seraing, et j’ai pu concrétiser mes idées d’une autre façon, en montant des projets et des productions.
Et je suis bien resté douze ans sans chanter. Je ne ressentais plus non plus le besoin d’écrire.
Mais quand Hissel a sorti son petit bouquin, “Indignez-vous!”, j’ai eu envie de remonter en scène avec les chansons des autres, il y en a de si belles. Et en 2014, j’en a fait un spectacle et un CD avec Line Adam aux arrangements. Il y avait même une chanson de Semal ! (rire). Mais aussi de Béranger, Renaud, Bialek, Bühler… Il n’y avait qu’une seule chanson à moi, “Gaston”, parce qu’ici à Liège, c’est un peu mon tube, quoi.
Aujourd’hui, je chante simplement pour le plaisir.
Claude: Ca tombe bien, parce que c’est ce qu’on va faire ensemble (rires).
Jacques, toi je te connais surtout à travers le Festival Brassens, que tu as créé ici à Liège… et je sais que tu chantes aussi son répertoire. Comment as-tu été amené à travailler avec l’individu assis en face de toi ? (ndlr : Michel)
Jacques : Figure-toi que Michel, malgré sa gueule d’amour, ça lui arrive de se faire plaquer, et qu’un jour il s’est trouvé dehors sans savoir où loger. Patrick Dewez, un copain commun, m’a demandé si je ne pouvais pas l’héberger. J’avais une chambre libre, j’ai dit “pas de problème”, et c’est comme ça qu’est née une amitié indéfectible. Il est chiant, mais c’est une crème d’homme.
Le Festival Brassens, c’est arrivé parce qu’en 2005, j’ai divorcé…
Claude : Il me semble que les placages occupent une grande place dans votre rapport à la chanson (rires).
Jacques : Et pour me changer les idées, je suis parti avec un copain voir un Festival Brassens à Berlin…
Claude : À Berlin !
Jacques : Oui, comme tu le sais peut-être, Brassens a été au travail obligatoire en Allemagne, il y a quelques universitaires là-bas qui ont été trouver le maire, qui était francophile, et depuis il y a un festival Brassens à Berlin.
Cela a fait “tilt”, et je me suis dit : “Pourquoi pas à Liège ?”. J’ai rencontré en France un sponsor, le patron de la Française des Finances, qui était un passionné de chansons, et il m’a aidé pour le premier Festival Brassens à Liège en 2013. Là, on en est à la 8 ème édition, pour laquelle j’ai engagé Michel Feilner.
Claude : C’est dire la qualité de la programmation ! (rires)
Jacques : Voilà, mais à part ça, je n’ai pas une grande carrière de chanteur, j’ai juste fait aussi un spectacle “Julos Beaucarne” à Vaison la Romaine, accompagné par une violoncelliste, quelques mois après la mort de Julos. Et puis bien sûr, aujourd’hui, il y a “Jaquy et Michel”, parce que chaque fois que Feilner a un projet, il m’intègre dedans. C’est un partageur, Michel Feilner.
Claude : Michel, tu m’épates car tu me sembles faire preuve d’une imagination sans borne pour t’inventer des “soirées chansons” thématiques, où tu t’appropries l’œuvre de Ferré, d’Higelin, de Béranger,… ou de certains thèmes, comme le spectacle que vous avez fait à deux autour des boissons rafraichissantes.
Est-ce parce que tu as un petit fan-club de fidèles, à qui il faut tout le temps proposer de nouveaux spectacles. Ou est-ce pour faire connaître un répertoire de chansons françaises que tu aimes et qui sont pourtant aujourd’hui peu chantées ?
(un blanc)
Tu veux que je répète la question ?
Michel: Non, j’écoutais ce que tu dis, c’est très beau. Je crois que tu as déjà donné les deux réponses dans ta question (rires). Oui, c’est ça, un peu les deux. Mais je ne me suis jamais posé la question. À la base, je fais ça parce que cela m’amuse. Bon, je ne chante qu’à Liège, je fais des tournées mondiales liégeoises, toujours dans des petits lieux.
D’ailleurs, la première fois que j’ai chanté en public, c’était aux “Forges” à Liège, où tu as fait ma “deuxième partie”, tu te souviens ? (rires)
Tu étais chevelu, tu avais une moustache, et je me suis dit whoaw ! Et depuis, je ne t’ai plus jamais quitté (rires).
Le premier truc “à thème” que j’ai fait, c’était avec Dudu (ndlr : Jacques-Ivan Duchesne), un spectacle autour des chansons de Béranger, qui s’appelait “Tronche de vie”.
On a formé pour l’occasion un groupe, “Les Barakis”, avec le pianiste accordéoniste Jean-Marie Dzuba. Puis on a décliné la formule autour des chansons de Jacques Lefèvre, puis de celles d’André Bialek, puis de celles de Jean-Roger Caussimon.
Claude : Est-ce que l’un d’entre vous a quelque chose à dire sur le rapport particulier de Liège à la chanson populaire ? Je pense par exemple aux Olivettes, ou aux chanteurs du marché de la Batte… ?
Philippe : À l’époque, c’est vrai que Liège était la capitale de la chanson wallonne. J’ai connu les Olivettes au tout début, c’était plein à craquer, tout le monde avait le droit de chanter, il y avait au piano une dame avec des caoutchoucs au bout des doigts, tellement elle jouait, Miss Mary, très maquillée, avec un rouge à lèvres éclatant, et elle savait tout accompagner. Moi, c’est là que j’ai appris énormément de chansons populaires en wallon. Et ce qu’il y avait d’extraordinaire, c’est que le vendredi, après le concert, les ténors de l’Opéra repassaient par les Olivettes pour boire leur bière et chanter.
Et ce qui était fou, c’était ce mix de population, ce mélange des genres. Mais ça, c’est Liège. Quand tu rentres dans un bistrot, les gens te disent bonjour. A Bruxelles, quand je disais “bonjour” dans un café, on me répondait : “On se connaît ?”.
Maintenant, il faut aussi mettre les choses en place, les Liégeois sont des “principautaires”, et ils ont parfois des choses agaçantes de ce côté-là. Ils restent entre eux.
Michel : Des lieux de chansons, il y en a encore plein à Liège. Avec une ex-fiancée, avec qui je chantais en duo, on a fait une tournée mondiale à Liège, chaque mois dans un lieu différent. J’en ai trouvé douze.
Claude : Tu ne m’as pas dit tantôt, Jacques, que tu as failli reprendre les Olivettes ?
Jacques : Oui, quand les “vieux” ont voulu remettre, comme j’étais un habitué du lieu, ils me l’ont proposé, ils demandaient un million et demi de francs belges, c’était bourré massacre tous les week-ends. J’en ai parlé à ma femme, mais elle n’a pas voulu prendre le risque. On venait d’avoir les jumelles et on aurait dû emprunter. Aujourd’hui, je crois que c’est le petit-fils qui a repris le cabaret, mais ce n’est plus la même ambiance.
Claude : Philippe, je voudrais rebondir sur ce que tu as dit sur la chanson wallonne, puisque dans ton propre parcours, tu as commencé par là. Comment se porte-t-elle aujourd’hui ?
Philippe : Au début, je voulais chanter “en wallon”. Mais si on me comprenait encore à Namur, ce n’était plus le cas à Charleroi, et quand je disais “nous les wallons” à Tournai, on me criait dans la salle : “Nous on est picard !”.
Claude : Ce n’était pas l’esperanto wallon, quoi.
Philippe : Non, tous les wallons sont différents, et c’est tant mieux ! J’en ai toujours gardé l’une ou l’autre chanson en wallon à mon répertoire, mais j’ai commencé à chanter en français. Le wallon est une langue très riche, et quand je me faisais interviewer en wallon, j’étais un peu honteux de la pauvreté de mon vocabulaire.
Michel : Duchesne et Michel Azaïs, ils font un truc à deux en wallon. Musicalement, c’est très beau, mais je ne comprends rien.
Philippe : Moi non plus.
Claude : Ils ne chantent pas en wallon de Liège ?
Michel: Si, si. Je comprends les mots un par un. Mais je perds le sens des phrases. Les chanteurs wallons, je ne comprends pas toujours tout. Quand Philippe Anciaux ou Jacques Lefèbvre chantaient en wallon, je comprenais tout. Mais là, non. Question de richesse de vocabulaire, et peut-être de phrasé musical.
Moi aussi, en 89, j’ai gagné le grand prix de la chanson wallonne. J’avais demandé à Georges Simonis de traduire mes chansons en wallon. Il m’a envoyé les textes, mais je ne comprenais rien. “Il faut lire à voix haute”, qu’il m’a dit. Cela allait déjà mieux, mais on a du changer certains mots, parce que je ne pouvais pas vraiment chanter ceux qui me restaient complètement étrangers.
Philippe : Le wallon, c’est aussi une graphie particulière, et moi j’écrivais tout phonétiquement.
Jacques : Il y a des raccourcis sur le clavier pour écrire des petits “o” au dessus des “a”, des trucs comme ça.
Philippe : Heureusement que tu ne dois pas retranscrire l’interview en wallon ! (rires)
Propos recueillis par Claude Semal le 5 avril 2023
(1) Par exemple dans “Comme en Belgique”, “Les Cadenas”, “Petite Valse” et “Qu’est-ce qui t’a pris”.
(2) Ce vendredi 7 avril à 20 heures, salle Gérimont Loisirs, 23 rue de la Bovire à 4170 Comblain-au-Pont, repas à partir de 18 heures, renseignements et réservation 0477 872305.
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