LES LEMMINGS DE LA BOURGEOISIE par Claude Semal

Fin de règne crépusculaire pour les députés macronistes qui, comme des lemmings, se sont politiquement suicidés au Parlement au nom d’un hypothétique intérêt de classe.

Une des choses qui, dans ma jeunesse, a « rationnellement » fondé mon irréductible engagement « à gauche », c’est la découverte des taux de mortalité par profession.
Et le profond sentiment d’injustice qu’elle a définitivement ancré en moi.
C’est un fait : les cadres et les professions libérales vivent entre dix et quinze ans de plus que les manœuvres et les ouvriers agricoles. Ce n’est pas rien, dix ans.
La chose est très largement documentée, et se retrouve dans des centaines d’études, à portée de « clic » du plus paresseux et du plus indigent des députés (1).
Dans les statistiques que j’avais alors consultées, l’âge moyen de décès était même de 58 ans chez les manœuvres du bâtiment. Ce qui signifiait concrètement que la majorité d’entre eux paieraient toute leur vie des cotisations sociales pour une pension qu’ils ne toucheraient jamais. Difficile de faire plus injuste, plus horrible et plus cynique.
Ce chiffre a sans doute évolué depuis. Mais aujourd’hui encore, dans la tranche des revenus les plus bas, 25 % meurent avant d’avoir 62 ans – qui était l’âge « officiel » de la pension avant la « réforme » Macron.

En voulant reculer l’âge de la pension à 64 ans (voire beaucoup plus, puisqu’on exige également 43 années de cotisations), Macron avait provoqué une mobilisation massive des salariés (des millions de manifestants pendant plusieurs mois) qui rejetaient cette « réforme » à plus de 80 %. Absolument tous les syndicats s’y étaient opposés.
Macron a donc « volé » deux ans de vie à des millions de travailleurs sans vote au Parlement, en passant par un autoritaire « 49.3 ». Il a également condamné 15000 personnes supplémentaires à mourir avant même d’avoir connu leur premier mois de pension. Difficile de trouver une mesure dont le contenu de classe soit aussi évident : imposée par la bourgeoisie, massivement rejetée par toutes les classes populaires, particulièrement cruelle pour les plus pauvres, et minoritaire au sein même de l’Assemblée Nationale.
Aussi, en inscrivant l’annulation de cette réforme à l’ordre du jour de sa « niche parlementaire », pour revenir à une pension à 62 ans, la France Insoumise était pratiquement sûre de pouvoir rassembler une majorité parlementaire autour de sa proposition de loi.

La « niche parlementaire » est une bizarrerie de la Constitution de la Vème République — mais qui part d’un « bon sentiment » démocratique. Une fois par an, les partis d’opposition ont en effet la possibilité de fixer eux-mêmes l’ordre du jour de l’Assemblée, et de soumettre au vote des députés un certain nombre de propositions de loi.
Encore faut-il évidemment que la « majorité » gouvernementale respecte l’esprit de la Constitution et « joue le jeu ».
Ce jeudi 28 novembre, c’était « la niche » de la France Insoumise, qui avait choisi de consacrer tout son « créneau » à l’annulation de la réforme des retraites.

Mais c’était sans compter sur les députés macronistes et sur les ministres du gouvernement Barnier qui, pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, ont multiplié toute la journée les manœuvres dilatoires, les discours creux d’une heure et les faux amendements pour empêcher matériellement la mise au vote de la proposition de loi.
Or à minuit, comme dans Cendrillon, la « niche parlementaire » de LFI se transforme en citrouille – et ne pouvait donc être prolongée. Les Macronistes, qui se savent minoritaires sur le sujet, ont donc tout fait pour empêcher le vote. Ils y ont réussi. Mais à quel prix ?
Comment iront-ils demain « justifier » leur attitude dans leur circonscription – alors que sept à huit Français sur dix veulent toujours revenir à la pension à 62 ans ? Alors que 63 % des Français souhaitent désormais la démission de Macron ? Et alors que le gouvernement Barnier, qui ne tenait déjà qu’à un fil, va devoir subir la semaine prochaine l’épreuve d’un vote de censure en réponse à son 49.3 sur le budget ?

Les débats étaient en outre retransmis en direct à la télévision. Pour les Français, ce fut je crois une belle leçon de choses. Voir au fil des heures les Macronistes étaler leur haine de classe, leur ignorance du réel, leur manque d’humanisme et leur mépris de la démocratie.
Surtout face aux nombreux témoignages qui soulignaient le poids cruel de l’âge dans la pénibilité de nombreuses professions.
« Le thème du jour à l’Assemblée Nationale, ce sont des bourges qui n’ont jamais rien foutu qui expliquent aux ouvriers, dont les corps sont détruits par le travail à 50 ans, qu’à 65 ans, on est super en forme. C’est d’une rare dégueulasserie… » (Marcel, sur Twitter).
S’il fallait n’en prendre qu’un exemple, je citerais la chaotique diatribe de la députée macroniste du Nord Brigitte Liso, ancienne chargée de communications chez Pernord-Ricard (2,26 milliards de bénéfices en 2022), sorte de Marie-Chantal bourgeoise de province, qui, après avoir évoqué un mystérieux « paquet de cigarettes à cent euros » (??), qui laissera « 15 euros à Mathilde Panot pour payer Netflix à ses petits-enfants » (???) a jugé indispensable de s’incruster au micro pour affirmer « qu’à soixante ans, on est encore très en forme, à soixante-deux ans également, je peux même vous préciser qu’à soixante-quatre ans, c’est toujours le cas, et même à soixante-cinq ans ! ».
Ok, Brigitte, no problemo, je suis tout prêt à croire que l’âge n’a rien à voir là-dedans – et que tu étais déjà aussi conne à vingt-cinq ou quarante ans. On en reparlera donc sur le terrain à la prochaine échéance électorale – ce qui ne saurait tarder.

Claude Semal, le 29 novembre 2024.

(1) La pénibilité des travaux lourds n’est pas la seule cause d’une mortalité précoce. Parmi les métiers les plus exposés, on trouve aussi, par exemple, les restaurateurs, les cafetiers et les standardistes. Comme quoi, des facteurs comme le stress, le travail de nuit, l’amplitude des horaires et l’alcoolisme jouent très probablement aussi un rôle dans la « surmortalité » de certaines professions : https://www.econospheres.be/Le-travail-c-est-la-sante-pas-pour-tout-le-monde

Antoine Léaument, toujours très clair et très pédagogue, et le “moment politique” de Jean-Luc Mélenchon :

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