LE DROIT MORAL DES AUTEURS / L’EXEMPLE DE CONNELLY par Gilbert Laffaille

J’aime bien Michael Connelly. Je trouve ses personnages bien campés et ses intrigues bien ficelées. C’est de la littérature policière grand public mais je n’ai jamais snobé les auteurs qui arrivent à toucher le plus grand nombre, quand on ne sent pas les procédés d’écriture comme chez Mary Higgins Clark.
Chez Connelly j’aime bien son inspecteur Harry Bosch, lucide et désespéré, honnête et mal vu de sa hiérarchie, fou de jazz et malheureux en amour. Et puis les polars anglo-saxons sont en général bien traduits et présentent moins de fautes que des romans français, car on n’engage plus de correcteurs dans les maisons d’édition mais on continue à exiger un bon niveau des traductions.

Pourquoi raconter ça ? Parce qu’en faisant mes courses – Connelly est un des rares auteurs à être vendu en supermarché – je suis tombé sur un ouvrage que je n’avais pas lu et qui s’intitule “À genoux”, que j’ai donc acheté, entre des tomates et des cartouches pour imprimante. Connelly aime faire précéder ses romans de quelques pages de présentation. Dans celui-ci, il écrit: “Le Times me demanda d’écrire un thriller en douze parties à publier un épisode après l’autre sur une période de trois mois (…) Mais ces épisodes étaient toujours corrigés et raccourcis pour tenir dans l’espace accordé dans chaque numéro. Et cela changeait de semaine en semaine, la quantité d’espace retenue étant fonction des publicités vendues. J’écrivais donc un chapitre par semaine en espérant que le magazine en garde le plus possible. Pour quelqu’un habitué à écrire des romans sans limite de longueur ou de nombre de mots, c’était difficile. Ainsi lorsque le projet fut terminé et le dernier épisode publié, je m’aperçus d’une chose: je voulais tout réécrire… à ma façon. Vous avez donc ici l’histoire dans son intégralité.

Connelly est très connu, il vend beaucoup, il a reçu tous les prix imaginables du roman policier, y compris le fameux prix Edgar Poe… eh bien, non. C’est la publicité qui décide et The Times coupe allègrement dans son texte. Aux USA c’est le copyright qui prévaut sur le droit moral des auteurs: l’œuvre appartient à celui qui la paye.
En France c’est la conception dite Beaumarchais: l’œuvre appartient à son auteur. Pour combien de temps encore ? Cela pourrait bien nous tomber dessus un jour. À méditer.

Gilbert Laffaille (sur Facebook)

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