LE COUP D’ÉTAT OLYMPIQUE par Hugue Le Paige

Les mânes de François Mitterrand écriraient sans doute aujourd’hui un essai au vitriol intitulé « Le Coup d’État Olympique » à propos de la réaction d’Emmanuel Macron à la désignation par le Nouveau Front Populaire de Lucie Castets comme candidate Première Ministre. Pour rappel, en 1964, Mitterrand publiait un essai virulent « Le coup d’État Permanent » où il dénonçait le pouvoir personnel du Général De Gaulle à qui il reprochait notamment d’avoir trahi sa promesse de faire du Président un arbitre au profit d’un chef d’État tout puissant. Toutes choses égales, par ailleurs et sans trop forcer le trait, la réponse méprisante de Macron à la proposition de candidature de Lucie Castets — « Ce n’est pas le sujet » — tout en saluant les propositions de la droite « qui vont dans le bon sens » correspondent bien à l’abandon de la fonction présidentielle d’arbitre. De plus, en maintenant au pouvoir un gouvernement défait dans les urnes jusqu’à la fin de ce qu’il a décrété être une « trêve olympique », il fait preuve d’un déni démocratique, refusant les résultats d’une élection qu’il avait lui-même provoquée en connaissance de cause du calendrier sportif.

Emmanuel Macron gèle la démocratie (au moins) le temps d’une Olympiade. Et au vu de la configuration de l’Assemblée Nationale, rien n’empêche de transformer la trêve en glacis. On peut épiloguer sur l’aspect stratégique de l’accord trouvé in extremis par la gauche. Il reprend son programme avec cohérence. Que la candidate Première Ministre ait immédiatement mis l’abrogation de la réforme des retraites comme priorité correspond à une volonté de l’immense majorité des Français, toutes tendances politiques confondues. Voilà bien une exemplaire majorité « d’idées » si chère au Président. Le chemin de la gauche a été normalement chaotique au vu des divergences qui existent en son sein, mais on doit saluer cet accord sur une candidature dont l’esprit correspond à la fois à ses promesses et à l’espérance de ses électrices et électeurs. Durant 16 jours, les pressions médiatiques et politiques ont été écrasantes. La gauche a été constamment sommée de s’aligner sur le projet d’une « grande coalition » et de trouver une candidature qui fasse les beaux jours d’une union nationale dont toutes les expériences européennes récentes ont abouti au renforcement de l’extrême droite. Balayée par le Chef de l’État, la proposition du NFP n’aboutira sans doute pas, mais avoir trouvé une candidature commune sans trahir son programme est un pas en avant considérable. Et en refusant de prendre en compte cette démarche, Macron fait preuve d’un déni démocratique dont les conséquences sont encore incalculables.

Hugues Le Paige, mardi 23 juillet, 22.00
Sur son blog et dans l’Asympto, avec l’aimable autorisation de l’auteur.

1 Commentaire
  • Philippe Malarme
    Publié à 10:33h, 28 juillet

    Bonjour Monsieur Le Paige. Vous êtes belge et pourtant vous pensez binaire, comme un Français dichotomique. Nous et pas les autres, irrémédiable alternative. Un trop long séjour au sud de Quiévrain vous a-t-il fait perdre toute aptitude au compromis ? Certes, il est bon de s’accrocher à ses convictions, mais passer quelques mesures populistes, comme l’abolition de la réforme des retraites avec le support du RN, va-t-il sauver la France de ses démons ? Est-il intolérable de réfléchir à un programme réaliste qui puisse recevoir l’appui d’une large majorité de gauche-centre ?

    Évidemment, cela imposerait de lâcher les ”présidentiables” qui se refusent à tout compromis, par peur de perdre leur chance en 2027 en pratiquant une politique réaliste et utile pour le pays.

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