L’ARMÉE LIQUIDE LE LIQUIDE par Bernard Hennebert

Pour écouter l’article de Bernard lu par Jean-Marie Chazeau, cliquez ci-dessous :

En janvier 2016, le Musée Royal de l’Armée de Bruxelles (MRA) abandonne sa gratuité quotidienne et fixe son entrée à 5 €. Une simple feuille de papier est affichée sur la porte d’entrée de cette institution : « Cher visiteur, les paiements au comptoir d’accueil se font uniquement par carte bancaire. Cette mesure a été introduite en 2016 pour des raisons de sécurité. Ne disposant pas de caisses enregistreuses, le personnel d’accueil n’est pas en mesure d’accepter de l’argent liquide ». Pourquoi cette mesure puisque le musée ne devrait pas manquer de nouvelles ressources … puisqu’il est passé au payant ? Oui… s’il y a beaucoup de rentrées… mais a-t-il conservé sa réputation d’être l’un des musées parmi les plus visités de Bruxelles ?

Ce record d’affluence était bien réel au temps de son accès gratuit tous les jours ouvrables, car on raconte qu’il était dans les petits papiers de nombreux « autocaristes ».
Quelle aubaine pour ceux-ci ! Un grand parking juste devant pour se parquer gratuitement devant les arches du Cinquantenaire et, pour tous leurs clients, de formidables toilettes sans madame (ou monsieur) pipi ! Clin d’oeil à notre vénéré rédac’ en chef d’ici Claude Semal (1)
Autre hypothèse (non vérifiée) ? La direction aurait-elle peur que des membres du personnel piquent dans une simple caisse enregistreuse dont l’acquisition serait fort peu coûteuse ? Connaîtra-t-on un jour le mobile du crime (puisque refuser l’argent liquide est illégal) ? La grande muette risque de le rester.

Huit ans de combat

Des visiteurs sont donc refoulés s’ils ne peuvent présenter une carte bancaire à l’entrée.
Lors d’une de mes visites, le préposé à la caisse m’a confirmé un pourcentage de 15 à 20% des visiteurs à qui cette situation posait problème.
Ceux qui soutiennent les droits au respect du public trouvent cette situation intolérable. Mais ceux qui défendent les intérêts de l’institution devraient être du même avis, puisque cette aberration économique engendre une diminution de la fréquentation – et donc des rentrées financières.
En haut lieu, la situation est connue.
Une question parlementaire est posée par Gautier Calomne (MR) début 2017 au ministre Didier Reynders (MR). Elle n’a abouti hélas à une aucune évolution concrète.
Plutôt Kafka que surréaliste! La bureaucratie atteint un sommet «historique» quand les visiteurs découvrent, à moins de quinze pas du guichet «argent liquide interdit», dans le vaste hall du MRA, l’entrée du shop… où tout (sauf le ticket d’entrée) peut s’acheter avec carte… ou en liquide !

Enfin, on peut parler du désintérêt flagrant pour une information utile des visiteurs de la part du service de communication du MRA. Quand le musée a introduit son entrée payante début 2016, il a distribué un peu partout en Belgique son nouveau dépliant de présentation plutôt luxueux où sa tarification est clairement détaillée mais où ne figurait pas l’indication qu’il est indispensable de se munir d’une carte bancaire pour pouvoir admirer ses galeries d’armes anciennes, ses avions ou monter par ascenseur (quand il n’est pas en panne) au sommet des Arcades pour y découvrir l’un des plus beaux panoramas de la capitale.
Cette information fallacieuse du public a duré plusieurs années jusqu’à ce qu’un nouveau dépliant tienne enfin compte de ma plainte faite à ce sujet (2).

Du changement bientôt ?

La « Ligue des Usagers Culturels » (3) a déposé, au fil des années, des plaintes auprès de diverses instances concernées, sans aucun changement jusqu’à présent.
Pour faire part du gel de cette situation, l’asbl a contacté à la mi-octobre 2024 la députée fédérale Sarah Schlitz (ECOLO) qui a décidé d’interroger sur ce thème, au début du mois de novembre 2024, la Ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS) :

Sarah Schlitz

Voici la question parlementaire de la députée fédérale Sarah Schlitz (ECOLO) :
« Madame la Ministre, depuis le 1er janvier 2016, l’accès au Musée Royal de l’Armée (MRA) est devenu payant tous les jours, sans que les visiteurs puissent régler leur entrée en liquide à l’accueil. Des acteurs culturels ont multiplié les démarches et déposé plusieurs plaintes auprès du Médiateur Fédéral et du Service de la Protection des Consommateurs pour que ce mode de paiement soit accepté, en vain.
Pourtant, une nouvelle législation, entrée en vigueur le 31 mars 2024, impose désormais aux établissements d’accepter les paiements en liquide. Pourtant, plus de six mois après l’adoption de cette loi, le Musée Royal de l’Armée reste en infraction.
Madame la Ministre, comment le gouvernement s’assure-t-il de l’application de cette loi?
Quelles actions concrètes comptez-vous entreprendre ou avez-vous entrepris pour garantir que cette obligation légale soit respectée au sein des institutions publiques ? Un courrier leur a-t-il été envoyé? Dans quel délai les visiteurs du Musée Royal de l’Armée pourront-ils enfin payer leur ticket en liquide ?
Je vous remercie pour vos réponses ».

La ministre de la défense dans ses oeuvres

Et voici la réponse de la Ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS) :
« Madame Schlitz, le MRA a bien pris connaissance tant des plaintes que de la loi du 31 mars 2024 et a immédiatement entamé l’examen d’un processus qui permet de concilier la possibilité de payer en argent liquide avec les problématiques liées à la manipulation et à la conservation dudit argent ainsi qu’à la sécurité du personnel.
Dans un premier temps, pour la fin de l’année, il travaillera avec une caisse.
Une autre solution identifiée est l’acquisition d’un monnayeur automatique. Il s’agit d’un investissement important pour lequel des moyens devront être dégagés. Ceci ne sera possible que dans le courant de l’année 2025. Cette option sera proposée au conseil d’administration qui est compétent pour prendre cette décision ».
Ça bouge donc, même si « entamer l’examen d’un processus » n’annonce pas une mise en œuvre foudroyante.

Enfin, voici la réplique de Sarah Schlitz :
« Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je trouve dommage qu’on soit obligé d’en arriver à une question parlementaire pour régler ce genre de choses. Il y a eu une période d’entrée en vigueur de la loi durant laquelle le musée était en mesure de se mettre en conformité. Ce musée ayant eu l’habitude de recevoir des paiements en cash auparavant, il est assez aberrant que cela prenne aujourd’hui autant de temps pour se mettre en conformité avec une loi qui, par ailleurs, ne devrait même pas exister. Le paiement en liquide devrait en effet rester une possibilité partout. C’est essentiel, en particulier pour les personnes en situation de fracture numérique. Même s’il n’y avait pas d’obligation légale, accepter le paiement en liquide est une nécessité afin de garantir l’accès à nos musées ».

Bernard Hennebert

(1) https://www.youtube.com/watch?v=c96NqBKYnww
(2) http://la-luc.blogspot.com/2022/04/le-musee-de-larmee-refuse-votre-monnaie.html
(3) C’est l’asbl que l’auteur du présent article préside.

1 Commentaire
  • Christian Lambert
    Publié à 12:59h, 14 décembre

    ” Une autre solution identifiée est l’acquisition d’un monnayeur automatique. Il s’agit d’un investissement important pour lequel des moyens devront être dégagés. Ceci ne sera possible que dans le courant de l’année 2025. Cette option sera proposée au conseil d’administration qui est compétent pour prendre cette décision ». ” Chez nous à Havré, petit village près de Mons, la boulangerie en possède deux. Cherchez l’erreur 😉

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