LA SAGA RENAUD par Cédric Gervy (sur Facebook)

Donc j’ai été voir Renaud ce 15 novembre au Théâtre Royal de Mons.
Ceci est « To whom it may concern »: ne lisez ceci que si Renaud vous intéresse encore. Passez votre chemin si a) vous ne l’avez jamais trop aimé, b) vous avez été trop déçu et que vous ne voulez plus en entendre parler, c) « c’est qui Renault (sic) ? »… D’abord le contexte : première fois pour moi au TRM, 10/10, superbe salle, gentil accueil, bien placé au balcon, très bon son. Bon, comme dans les livres « Le Petit Ménestrel », « vous êtes bien installé ? Vous êtes prêt à écouter ? Alors, je commence… ».
J’aurai vu Renaud une dizaine de fois, dans 4 contextes fondamentalement différents, « tous pour un seul homme ». En 1989 et un peu après, du haut de mes 17/19 ans, à l’époque où Renaud était le maître des Zéniths, choristes, décor, répertoire époque Putain de Camion, triomphe populaire, et pas assez de recul à cet âge pour critiquer.
Puis, déjà un premier long hiatus, il disparaît une première fois, bibine etc, et revient en formule « Une Guitare, un Piano et Renaud »… Concert horrible, poussif, il a pris 20 kilos, il fume et boit sur scène, il marmonne plus qu’il ne chante, pathétique de bout en bout. Beaucoup en sont restés là et je peux très bien le comprendre…

Puis, on avance un peu dans le temps, j’ai vu aucune tournée Boucan d’Enfer ni Rouge Sang, il revient avec « Toujours Debout », Forest… Gros décor, gros groupe derrière… Aïe la voix est atroce, ça va un peu mieux en cours de route mais il y a beaucoup de déchets, il est (je l’ai alors vu trois fois) une fois sur trois déjà imbibé sur scène, certaines chansons permettent d’aller chercher à boire (QUI a envie d’entendre « À la Téloche ?)… Donc content après coup parce qu’il y a des moments de grâce et l’ambiance, mais tout juste…

Là on arrive dans le vif (si si) du sujet avec cette tournée (vue trois fois donc en tout aussi) « Dans mes Cordes » où, attention spoiler alert, il sera accompagné par un piano, un accordéon et 8 cordes (violons, violoncelle, guitare).
De l’avis même des gens qui l’ont vu un peu par hasard, musicalement c’est vraiment magnifique, objectivement et subjectivement parlant.
Les deux premières fois pour moi, mars et juin 2023, on constate que l’envie (de Renaud) y est, il est sobre, il est heureux, mais la voix croasse plus qu’elle ne chante, il est à côté du rythme pendant le fameux « premier quart d’heure » (comme dans les matches de foot quand les équipes doivent « rentrer dans le match », hormis les Diables Rouges dorénavant où c’est pendant 90 minutes. Mais c’est un autre débat et puis « J’ai Raté Télé-Foot »…)
Ce qui frappe lors de ces deux premiers « dans mes cordes », c’est que le répertoire est 100% splendide, bien chanté ou pas.
Impossible d’aller chercher à boire sous peine de louper une de ses 25 chansons préférées. Alors bien sûr, le public doit l’aider, donner de la voix, « Renaud on t’aime ».
Bien sûr « qu’on comprend pas tout », mais de toutes façons les gens dans la salle connaissent toutes les chansons par cœur, c’est le prérequis pour y aller.
Du coup celui d’hier à Mons, était-ce « La Fête de Trop » ou « Alors on Danse » ?… J’ai eu très très peur au début, puis finalement ce qui m’a fait peur est sans doute ce qui m’a le plus pris et ému : en un an, Renaud est devenu… un vieux monsieur de 71 ans.

Il a du mal à se déplacer, il reste le plus souvent assis ou debout appuyé sur son tabouret. Et après ?
Les fans des autres artistes vieillissants acceptent que leurs idoles prennent de l’âge, cela ne peut en aucun cas être utilisé contre l’artiste, qui a encore l’énergie et le courage et l’envie d’aller à la rencontre de son public.
Et ça amène un côté « sagesse, le papy qui raconte » qui m’a percuté tout le long.
Vocalement et au niveau diction entre les morceaux, on sent qu’il « vit mieux » et que les excès sont derrière lui, mais les traces qui restent sont fort présentes…
Et sur un bon tiers des chansons, il « slamme » hors du rythme (un peu à la Gainsbourg en concert à la fin), mais l’orchestre est derrière pour le soutenir, et il « attend le temps suivant » pour balancer les phrases trop vite, mais on s’en fout.
Le deuxième tiers, il réussit (ou veut bien) à tenir la mesure, et le troisième tiers c’est l’état de grâce parce que même la voix est juste (La Médaille était à tomber par terre).
Voilà, tatatziiin, pas besoin d’en dire plus, je me suis régalé devant un grand monsieur qui finira plus que dignement ce qu’il a commencé dans le triomphe puis entrecoupé par du « très mauvais et de l’inexcusable » (pour les gens qui ne comprennent pas le poids de la dépression et qu’on n’est pas des machines) ou du « très triste pour lui » (« Allez Renaud laisse pas béton »). Hier, personne n’est sorti triste de la salle. On a dit au revoir/ adieu (j’espère que non) à un pote.

Cédric Gervy (sur Facebook)

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