LA CHAISE, LE FORMULAIRE, L’HÔPITAL* par Charlotte Renwa (sur Facebook) *Chronique piquante et humoristique d’un sclérosé* épisode 1

Dans notre quête digne d’un bon combat contre Kratos, à savoir obtenir une aide financière pour une chaise roulante qui ne soit ni trop grande, ni trop vieille, ni trop lourde, nous avons découvert les méandres d’un sombre endroit: l’hôpital.
Certes, on connaissait avec le traitement «Ocrevus » (on dirait un méchant dans Astérix et franchement, ce nom n’inspire pas la joie et l’espoir) mais là, c’est une histoire complètement belge que je vais vous conter.
Faut savoir que pour bénéficier d’une aide pour un tel achat, faut remplir la fameuse Annexe 1.
Bonjour « les 12 Travaux d’Astérix » – encore lui! – et ce fameux formulaire de merde qui ne peut être rempli par personne. Et qui rend fou. Tu vois de quoi je parle?
A force de chercher, ho surprise, je découvre qu’il y a également l’Annexe 2.
36 pages. De chinois. Bon, c’est pas gentil pour les Chinois.
Obtenir une chaise roulante, c’est pire que passer son permis, pourtant, juré, on ne va pas aussi vite…
J’apprends qu’il faut que ce soit rempli par une équipe pluridisciplinaire…
Hummmm. En tant que bonne prof de français, je pige « plusieurs corps de métier »
Voyons voir?
Le médecin traitant: on a (bisous en passant et merci pour tout doc!!)
Un kiné: on a (wouais, toi aussi bisous!)
Un neurologue: on a (heu…. Pour le bisou on va encore un peu attendre hein)
Bon, ça va le faire…
J’attends donc patiemment les différents rendez-vous mais personne ne semble piger de quoi je parle à part notre médecin.
Finalement, je suce de mon pouce (ben oui, on va pas vous mâcher l’épopée en dévoilant des trucs et astuces, on n’est pas sur un forum de soluce de jeux vidéo que diable!) qu’il y a – dans certains hôpitaux- un service de « médecine physique » et que, là, ils ont la fameuse « équipe pluridisciplinaire »
Soit, j’ai déjà bien perdu 3 mois.
Hop hop hop, j’empoigne l’outil du diable (ouep, je déteste téléphoner) et me lance dans une petite recherche sur le net.
Bingo, à Namur, y a carrément « L’école de la sclérose en plaque » dans un hôpital à Bouge.
Sclérose en plaques ….. Bouge…..
Je la refais ou vous pigez que déjà ça c’est du foutage de gueule et que j’aurais du me méfier?
Bref, nous sommes en avril, un bandagiste bien sympa nous a prêté une chaise roulante, et j’obtiens un rendez-vous le 21 juin.
Anyway. On n’est plus à quelques semaines…
Comme je suis en passe d’obtenir un master du feu de dieu intitulé « secrétaire d’un chéri en situation d’handicap », je prends note, dans son agenda, du jour, de l’heure, de l’adresse et du numéro de téléphone…
Et le grand jour arrive!
Je conduis jusque là et trouve une place au parking 4…
Mouais, là aussi j’aurais dû me méfier…
Faut faire le tour du bâtiment (j’ai pas compté le nombre de mètres à faire en chaise roulante, mais je pense que pour le cardio c’était déjà une bonne séance) et monter deux rangées d’escaliers.
Escaliers… École de la sclérose en plaques…
Le monde est merveilleux.
Le tableau devait être beau entre Raphaël qui tente de gravir l’Everest et moi qui suis derrière en portant la chaise roulante. Pépite. Je suis restée digne et ai gardé pour moi ma tronche de phoque en sueur. Effort.
Mais bon, on avait géré, on était 15 minutes à l’avance.
Yep, j’avais pressé le joli mâle pour qu’on soit pile poil de cul dans les temps.
On trouve l’entrée mais c’est franchement pas clair. Où doit-on aller?
Aux bornes, s’inscrire avec la carte d’identité… dixit une gentille madame qui semble bosser dans ce temple du médoc.
Borne 1: ne reconnait pas la carte
Borne 2: en panne
Borne 3: plus de papier pour l’impression du ticket
Borne 4: ça fonctionne! Danse de la joie du cucul! Nous voici avec un joli ticket avec son nom et tout inscrit dessus!
En fait, ça servait à rien, faut quand même aller faire la file.
Haaaaaaa l’utilité de la technologie.
Soit.
Nous arrivons donc au guichet pour nous inscrire.
On ne trouve pas mon Aimé.
Comme il n’y a pas de réseau, je décide de sortir appeler l’hôpital où nous sommes (si, si) pour en savoir un peu plus. Mais visiblement le secrétariat de médecine physique n’est pas dispo « rappelez plus tard ».
Entre temps, l’homme adoré s’est vu redirigé vers un autre comptoir où trois nanas armées de casque-micro se démènent pour savoir où le chéri à rendez-vous. On explique une énième fois que ça doit être en médecine physique, pour remplir la thèse de fin de master en vue d’obtenir le saint Graal à roulettes.
Mais le secrétariat du service n’est pas là.
Les neuros ne savent pas.
Et ça téléphone, ça téléphone, ça va voir des collègues.
On attend…
Finalement, elles finissent par trouver le nom d’un doc.
Ok. On avance.
Reste à trouver son phone.
Ben il n’en a pas.
J’avoue, un gloussement nerveux m’a échappé du gosier.
Finalement, on nous envoie donc au -1, route 235…
Quand tu sors de l’ascenseur, tes oreilles saignent car tu débarques à côté de la cuisine où la vaisselle semble danser la lambada. Sans blague, j’ai eu mal.
Puis cette odeur de pisse… Je me retiens, faut pas que je sois gerby.
La route en question est indiquée par une belle feuille de papier blanc avec, écrit au gros marqueur, 235.
Ca fait presque peur, on arrive dans les entrailles de l’hôpital, près d’une porte de secours qui donne…sur notre van… La blague.
Effectivement, personne au secrétariat.
Je toque.
Bête espoir.
Je toque aux deux autres portes, timidement, en mode « pardon de vous faire chier »…
Rien.
Chéri, un poil plus entreprenant, tape avec la conviction d’un chirurgien aguerri qui veut son foutu scalpel avant d’entrer en salle d’op’.
Une dame ouvre la porte. On explique notre cas et, pleine d’assurance, elle nous dit qu’il y a du retard, qu’on va venir nous chercher.
Ca fait 50 minutes qu’on est à l’hosto…
Heureusement, plus loin dans le couloir, y a une bande de meufs en plein stretching qui glousse allègrement. Ca a le mérite de faire sourire.
Deux autres personnes arrivent dans notre salle d’attente.
Elles passent avant nous.
L’Aimé fini par s’allonger par terre. C’est ça aussi la sclérose en plaques. Fatigue immense. Moi, je file au distributeur lui chercher une dose de sucre histoire de le retaper un peu…
Toujours rien.
Un jeune doc finit par arriver près de nous et là je décoche mon javelot à chainette, faut qu’on pige maintenant, il ne s’échappera pas!
Le mec, il est embêté, il vient pas pour nous mais tel un jeune premier, il court chercher des infos.
En fait, Raphaël n’est sur aucun agenda du service.
Ni aujourd’hui, ni jamais.
« Vous n’avez qu’à retéléphoner lundi »

..
.
Heu, Monsieur, vous pourriez nous ouvrir la porte de secours parce que notre van est là…”
On sort.
Je re-rentre dans l’hôpital pour valider le ticket de parking. Yep, quand tu sors par la porte de secours, tu passes pas devant la borne de paiement. Truite que je suis.
On se casse.
On a toujours notre Annexe 1 vide.
On a toujours notre Annexe 2 vide.
Et on va devoir expliquer au bandagiste que… ben… on peut toujours pas lancer les démarches pour une chaise roulante.
« Allo doc, tu peux nous aider sur ce coup?? »
Comme dirait PE, « Elle est pas belle la vie? »

Charlotte Renwa (sur Facebook)

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