LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE TIHANGE DANS LE TEXTE par Éric Englebert

Déclaration liminaire : ce qui est écrit ci-dessous ne vise pas le personnel. Ça ne vise personne d’ailleurs. Ce qui est écrit ci-dessous essaie de décrypter une partie de la communication issue d’un document public.

La déclaration environnementale de la centrale de Tihange pour l’année 2022 est disponible :
https://nuclear.engie-electrabel.be/fr/powerplant/la-centrale-nucleaire-de-tihange/declaration-environnementale
Ce document d’un peu plus de 80 pages est très bien fait et comporte beaucoup d’informations sur ce site industriel.
En introduction, on y explique que l’Uranium est naturel (dingue !) et pas dangereux en soi. Que la radioactivité est naturelle. Youkaïdi, youkaïda.
Ensuite, il est expliqué que l’impact principal sur l’environnement est celui sur l’eau.
Trois types de consommation:
– 40 000 m³ d’eau potable “principalement pour les besoins sanitaires du personnel” (j’espère qu’il y a d’autres consommations car c’est un peu beaucoup / personne / an)
– 150 000 m³ d’eau souterraine via14 puits qui puisent dans 2 nappes
– 30 millions de m³ d’eau de Meuse, qui est évaporée pour le refroidissement.
– 1 milliards de m³ d’eau de Meuse est réchauffée et renvoyée dans la Meuse (échauffement maximum “de 4 ou 5°C”, “sans jamais dépasser 28°C en aval”. Un dépassement a été enregistré le 17/12/2022 (> 5°C d’échauffement), à cause d’une vanne et … de la Meuse (qui avait décidé d’avoir un débit faible ce jour-là, la méchante !).
Bref, il faut de l’eau pour faire tourner une centrale nucléaire, beaucoup d’eau. Et le débit moyen de la Meuse a été de 126,5 m³/s en 2022 alors qu’il est de 203 m³ en moyenne sur les 10 dernières années.

Enfin, il est expliqué que la Meuse est nettoyée ! Merciiii ! 27,9 tonnes de déchets sont “récoltés et évacués”. Quels types de déchets ? Pas d’autres détails que “des déchets flottants” (du bois ?).
Les rejets d’eau sont maîtrisés (quelques alarmes en toute transparence).
La centrale rejette des déchets, bien-sûr (comme toute usine). Déchets non radioactifs: dangereux et non dangereux. Beaucoup de chiffres à ce sujet ! Environ 7000 t de déchets non radioactifs (soit 20 tonnes par jour), dont 20% de déchets dangereux (effluents basiques, assez classique dans une installation industrielle).
La production de déchets non dangereux est détaillée: 90 tonnes de déchets de cantines et bureaux (un peu plus d’1%); 40 tonnes de papiers et cartons (<1%). Bref, des détails, mais sur moins de 2% de la quantité totale… Déchets radioactifs. Un peu moins de détails à ce sujet. Bizarre.
On y apprend que 90% des déchets radioactifs sont de faible activité et de courte vie. Cool.
On explique ce qu’est la demi-vie des déchets radioactifs: période nécessaire pour que la radioactivité diminue de moitié. Après 10 demi-vies, il ne reste presque rien ! 1/2^10 = 0,0009765625. Moins d’un dixième de % ! Cool encore une fois !
Seul problème, une durée de vie est considérée comme courte lorsque la demi-vie est inférieure à 30 ans. Donc 10 demi-vies de 30 ans, ça fait à peine 300 ans ! Une durée de vie longue, c’est > 30 ans de demi-vie, mais on ne dit pas quelle est la valeur que ça peut atteindre… Un petit tour sur la toile nous apprendra que la demi-vie du neptunium 237 est de 2,14 millions d’années (donc 10 demi-vie, ça fait tout de suite 21,4 millions d’années…) et que ce déchet à une vie longue (mais est de moyenne activité, je vous rassure tout de suite).
En 2022, 220 m³ de déchets de faible et moyenne activité ont quitté le site, pour être réduits à 107 m³ de “déchets ultimes”. Ça, ça veut dire qu’on ne sait plus rien en faire, à part espérer les stocker en sous-sol, peut-être un jour… 100 m³ / an ça fait beaucoup de cuillères à café (unité de mesure utilisée par quelques rigolos qui prétendent qu’une centrale nucléaire ne produit presque rien comme déchets dangereux). 100 m³/an, ça fait quand même quelques semi-remorques ! Moins cool.

Le paragraphe sur les déchets hautement radioactifs est le plus rigolo (ou pas): 644 caractères, titre inclus, (c’est peu) dont la magnifique phrase que voici: “Ensuite, la destination finale que notre pays souhaite donner à ce flux de déchets n’est pas encore définie. L’ONDRAF plaide en faveur de la mise en stockage en profondeur
comme solution à long terme.”. Si on l’enlève ainsi que le titre, il ne reste plus que 384 caractères (c’est très peu). Je suis obligé de mettre moi-même les chiffres, car il n’y en a pas un seul dans ce paragraphe… Il faut aller sur le site du lobby nucléaire pour trouver des valeurs: 45 m³ / an pour la Belgique, soit ~ 22,5 m³/an pour Tihange. Je n’ai pas calculé le nombre de cuillères à café que ça représente…
Ensuite on parle du bruit, des petites fleurs et des petits oiseaux, de l’utilisation rationnelle de l’énergie, du démantèlement de Tihange 2, de vélos, …
Puis une planche qui récapitule les chiffres clefs de 2022 (sans mentionner les déchets).
Je vous épargne la fin du document. La seule info intéressante que j’ai trouvée est que la centrale autoconsomme 5% de sa production électrique, ce qui est colossal. Pour vous donner un point de comparaison, une éolienne, c’est de l’ordre de 0,5%.
(~1 TWh / an, ça fait 1 GWh / membre du personnel, ou encore 2 700 000 kWh / jour).
Bref, 80 pages, et pas un seul chiffre sur les déchets radioactifs de haute activité.

Eric Englebert (sur sa page Facebook)

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