13 septembre 2022
JE FAIS MON COMING-AUT(O)
Je n’ai jamais beaucoup aimé les modes, ni le prêt-à-penser. Ce panurgisme récurrent qui parfois moutonne sous nos casquettes. Cette fâcheuse tendance à aligner nos neurones sur le dernier concept en vogue, la dernière vidéo qui “buzze”, ou, au contraire, à nous abandonner à de vieilles questions-réponses pavloviennes.
C’est très bien d’avoir de bons réflexes (de classe), ou d’être ébloui par une nouvelle idée. Mais cela n’aide pas vraiment à réfléchir par soi-même.
A contrario, j’ai toujours trouvé stimulant de penser “à contre-courant”, voire même de penser “contre soi”, frôlant ainsi parfois cette “pensée paradoxale” qui est le propre des humoristes, des poètes… et des provocateurs.
“Paradoxal” ne signifie d’ailleurs pas pour moi “confus”.
Quand Pierre Corneille parle de “l’obscure clarté des étoiles“, phrase a priori paradoxale, il n’ajoute pas un peu de vague et de flou à la nuit. Il renforce et précise la puissance et l’expressivité d’une image poétique.
Comme artiste, comme journaliste et comme citoyen, j’ai toujours aimé chercher la dialectique des situations, trouver les contradictions des choses. J’aime bien explorer les contre-champs et le hors cadre. Retourner les pierres et regarder derrière les buissons. Me perdre en chemin. Découvrir de nouveaux points de vue. Et parfois, prendre le contre-pied de mes propres évidences (un vieux reste d’aïkido ?). Bref.
J’ai parfois aussi fait des introductions plus courtes ;-).
J’avais commis coup sur coup, cet été, deux chroniques un peu polémiques sur la bagnole qui ont pu surprendre “ceux qui croyaient penser comme moi” (genre “écolo-gaucho”, si vous voyez ce que je veux dire). “Voitures électriques : la grande arnaque” (tout est dans le titre) (1) et “Bruxelles : un nouveau plan d’immobilité” – sur le nouveau plan de “circulation” bruxellois (2).
Je ne changerais pas une ligne à ce que j’y ai écrit.
Mais ces articles ont visiblement donné l’impression à certain·es que j’étais tombé amoureux de mon moteur diesel, que j’avais basculé du côté obscur de la pompe à essence, et que je m’étais soudain transmué en farouche défenseur de la voiture individuelle.
Ce qui est un total contresens.
Manu, une fidèle lectrice de l’Asympto, m’a ainsi interpellé dans son commentaire sur le mode : “Vous les automobilistes...”. Au secours !
Car moi, à Bruxelles, je suis d’abord piéton et usager des transports en commun.
Cela concerne 95% de mes déplacements dans la ville, et cela fait plus de quarante-cinq ans que je milite pour des trams et des trains plus fréquents et moins chers (voir sur la photo, une action du Comité Transports en Commun, rue Neuve, vers la fin des années ’70). Sur ce point du moins, je n’ai jamais varié.
Mais il est vrai qu’aujourd’hui, j’ai souvent aussi besoin d’un véhicule pour mes déplacements professionnels. Car même avec beaucoup de bonne volonté, on ne déplace pas une friteuse ou trente kilos d’instruments sur son dos ou dans un tram. Encore moins sur une trottinette. Et je ne suis évidemment pas le seul dans ce cas (2).
Sans arriver à trouver de statistiques précises sur le sujet, j’ai d’ailleurs constaté que de nombreux “cyclistes”, qui se définissaient du moins comme tels dans la discussion, avaient un vélo EN PLUS de leur automobile, et non À LA PLACE de leur automobile.
Cela n’enlève rien aux vertus sportives de leurs mollets, à la profondeur de leur engagement écologique, ou aux chausse-trappes du nouveau plan de circulation, mais cela relativise quand même un peu la portée des débats.
“Automobiliste” ou “cycliste”, ce n’est pas une identité. C’est un moyen de transport. On peut donc en changer ou les cumuler.
Je m’étais toutefois persuadé que, pour certaines activités familiales, une voiture individuelle m’était devenue indispensable en ville. Mais est-ce vraiment le cas ?
Mesdames, messieurs, la maison ne recule devant aucun sacrifice.
À poil sur une scène, en solitaire sur le GR20, devant une brouette de mortier ou les deux mains dans les épluchures de patates, j’ai toujours su physiquement payer de ma personne. Je me suis donc personnellement lancé un défi.
Dorénavant, dans l’agglomération bruxelloise, je ferai tous mes déplacements privés à pied ou en transports en commun. Et on verra bien où ça me conduit.
Test numéro 1 : “je fais me courses au grand magasin“.
Ca tombe bien, je dois acheter des affaires scolaires pour mon fils. À la réunion des parents, on nous a signalé une “promo” intéressante au Colruyt sur certaines fournitures scolaires.
J’ai mes habitudes au Colruyt de Forest, ou je vais remplir trois fois par mois le coffre de mon Opel Combo.
Cette fois, j’ai pris le 54 devant la Prison de Saint-Gilles, et le bus m’a déposé en moins de dix minutes devant Forest National. Merveilleux. On aurait dit une pub en quadrichromie pour la STIB ! J’ai juste oublié de sourire à l’objectif.
Je n’ai emporté qu’un seul “sac de courses” avec moi, mais comme d’hab’, j’ai acheté plus que je n’avais prévu. À la sortie, mon sac pèse au moins cinq kilos. Je pourrais en porter deux comme ça, mais cela ferait encore deux fois moins que le coffre rempli de ma bagnole. Tant pis. Il suffira d’aller deux fois plus souvent au magasin.
Avec mon abonnement STIB, cinq euros par mois pour les jeunes et les vieux, cela me coûtera le même prix. En attendant que les transports en commun soient gratuits pour tout le monde.
Voilà. Test numéro un réussi.
La fois prochaine, j’emporterai notre vieux caddie familial à roulettes, bien pratique si vous n’avez pas comme moi une musculature dopée à la Blanche de Namur (oui je sais, mon tour de taille dépasse aujourd’hui mon tour d’épaules, mais j’ai des avant-bras solides de guitariste nourri pendant quarante ans aux riffs et aux arpèges stéroïdiens, autre chose que vos séances de gonflettes protéinées en salle des machines).
Plutôt grandes, les roulettes du caddie : vous connaissez les pavés et les trottoirs à Bruxelles. J’ai aussi consolidé l’engin avec une vieille caissette à oranges.
D’accord, ce n’est pas très esthétique, et si je l’amenais avec moi Gare du Midi, on me glisserait peut-être discrètement une pièce de monnaie. Mais c’est bien pratique.
Évidemment, si je devais rendre visite à mes beaux-parents à Malonne, ou à ma sœur à Gosselies, ou simplement répéter avec Pascal à Ohey, ce serait une autre paire de bretelles. Les “transports en commun” ? Tu peux oublier. Il faut un véhicule.
Mais si on n’utilise plus une bagnole que quelques heures par mois, pour ces déplacements particuliers, est-il encore bien nécessaire d’en être formellement “le propriétaire” – pour la laisser le reste du temps végéter en standby dans la rue ?
Cela contrarie mon sens de l’économie, de la logique et de l’équité.
Je décide donc de me renseigner sur les “voitures partagées”.
Je tombe immédiatement sur une pub pour Cambio, qui semble, aujourd’hui, en Belgique, le leader de ce secteur. À tout hasard, je lance un coup de sonde auprès de “mes amis Facebook”. Waouh ! Je m’attendais à deux ou trois réponses. En moins de 24 heures, j’en reçois plus de trente. Mes amis semblent être des “partageux”.
Les usagers de Cambio sont surtout bruxellois et liégeois, mais il y en a même dans de petites villes wallonnes, comme Tournai et Louvain-la-Neuve.
Les avis ? “Globalement positifs”, comme dirait Georges Marchais.
Mais la formule semble réservée aux citadins (il faut avoir une “station” Cambio à proximité, pour y reconduire chaque fois le véhicule après usage, et rentrer ensuite chez vous par vos propres moyens)
Mon copain Fabian, qui est batteur et permanent au FACIR, utilise professionnellement ce service depuis 2008. A raison d’une ou deux demi-journée par semaine, cela lui fait un budget mensuel qui tourne autour de 200 euros. Ce prix cumule un abonnement mensuel, un forfait à l’heure (2 E) et un forfait au kilomètre (0,20 E). Et les frais d’essence sont inclus.
Pierre, qui s’occupait de l’ASBL “Barricades” à Liège, ne conduit pas. Mais sa compagne Bénédicte utilise la formule depuis 16 ou 17 ans – pratiquement depuis le début de l’installation de Cambio à Liège. Elle travaille dans l’éducation permanente, souvent en soirée, et utilise autant ce service professionnellement que pour sa famille.
“Le budget varie beaucoup avec l’usage“, me précise Pierre. “Pour faire les courses, tu l’emprunte une heure ou deux, et cela ne coûte presque rien“.
Pierre et Bénédicte habitent le quartier de Pierreuse, une chouette petite rue liégeoise en pente, mais avec de gros problèmes de parking : “La station Cambio est à 500 mètres de chez nous, juste à côté de la gare, et la place du véhicule y est toujours réservée. C’est un gros avantage. Au départ, il y avait deux voitures, maintenant il y en a six. Quand tu dois déménager un meuble, tu peux aussi emprunter un break”.
Cambio a été fondée il y a une bonne vingtaine d’années en Belgique et en Allemagne.
En 2011, Cambio avait chez nous 8500 clients pour 405 voitures et 171 stations.
La société revendique aujourd’hui plus de 58.000 “membres” (c’est plus sexy que “clients”), et dispose désormais de 844 stations, dont 257 à Bruxelles, 21 à Liège, 18 à Namur, 9 à Ottignies/LLN et 6 à Mons (3).
Je vous livre ci-dessous en vrac tous les divers témoignages que j’ai reçu.
Vous vous ferez ainsi vous-même votre avis.
La semaine prochaine, promis, je teste pour vous la trottinette électrique, et je vous en parle dès que je sors de l’hôpital.
Claude Semal, le 9 septembre 2022.
(1) Véhicules électriques : LA GRANDE ARNAQUE
(2) Bruxelles : VERS UN NOUVEAU PLAN D’IMMOBILITÉ
(3) https://www.cambio.be/fr-bxl
QUELQUES TÉMOIGNAGES
Muriel
J’ai été abonnée à Cambio pendant 13 ans. Génial. Énormes économies. Je dois pas aller au contrôle technique, ni passer l’aspirateur, ni payer une assurance. Et avec trois enfants ! On utilise la voiture autrement. Si on la prend on en profite pour faire un « tour » et d’autres courses. On combine. Avec Cambio, pas de frais de parking en ville ! Si je dois transporter des trucs je choisis un “Van”. J’ai malheureusement dû racheter une voiture en juin 2021 parce que le prix des locations de voiture a doublé en Italie. Donc je ne prends plus l’avion et je ramène moi-même mon huile d’olive. Mais Cambio me manque pour sa possibilité d’emprunter des “Vans”.
Jo (travailleur social)
Nous utilisons Cambio depuis 4 ans, avec un enfant. Là, depuis le 1er septembre, je l’ai réservée un mois pour pouvoir conduire mon épouse a l’hôpital pour l’accouchement du deuxième. Et franchement c’est un soulagement. Je n’imagine plus la voiture comme un objet exclusivement privé qu’il faut acheter pour soi. Le problème avec Cambio c’est que c’est une compagnie privée.
Thierry
Salut, Claude. J’ai utilisé Cambio cet été pour la première fois. C’était facile à utiliser et les caisses sont en très bon état. Personnel disponible et au taquet, j’ai choisi la formule la moins chère et j’ai pu me rendre là où les transports en commun restent inexistants. Pour l’économie, je ne sais pas encore me faire une idée vraiment affutée mais je ne le l’utiliserais pas pour la ville. Mais pour des échappées bucoliques c’est parfait.
Thierry (un autre)
Moi, pendant 10 ans. Rien à cacher et donc prêt pour répondre aux questions…
Fabian
Moi aussi j’utilise Cambio, depuis 2008. Tu peux m’appeler quand tu veux, ou m’envoyer un message.
Eric
Itou depuis 2015 …
Laurence
Moi aussi j’ai été utilisatrice pendant 4 ans…
J’ai racheté une voiture parce que mon amoureux habite Mornimont et moi, Bruxelles…
Sylvie
Moi depuis 5 ans
Miguel
Depuis une dizaine d’années au moins…
Dimitri
Cambio, c’est bien, mais il y a quelques points négatifs.
Tout d’abord, si on prend un véhicule à un endroit, il faudra le remettre au même endroit, ce qui prolonge la location. Le choix des véhicules est assez large, on peut louer une C3 comme une camionnette. Donc, si tu n’en a pas besoin longtemps, c’est intéressant, mais si tu dois faire beaucoup de kilomètres, et une fois arrivé, la laisser plusieurs heures sans l’utiliser, ce l’est beaucoup moins.
Cependant il existe d’autres alternatives comme Wibee ou Getaround, que je suis en train de voir, et qui permettent plus de flexibilité.
Wibee permet aussi de louer des vélos partout en Belgique, et cerise sur le gâteau, Wibee est une startup Belge, alors que Cambio est Allemand à la base.
Arnaud
J’ai demandé à Cambio de me faire un devis … Ils m ont répondu que vu mon usage, il était préférable que je continue avec mon véhicule :-).
Marc
J’ai soutenu l’initiative à son début. J’ai fait un seul trajet (à Zaventem) sur deux ans. Habitant à Bruxelles à l’époque, le vélo et les transports en commun suffisaient à mes besoins.
Manu
Depuis des années comme 2ème voiture (quand il faut transporter du monde, pour un déménagement…). Quand notre voiture mourra on n’en rachètera pas.
Stéphane
Moi de même depuis bientôt 20 ans et je te préviens tout de suite : je suis content !
Christine
Moi aussi
Thierry (un troisième)
Tu ne veux pas de témoignage de gens qui n’utilisent PAS Cambio 😉 ?
Boris
J’ai vendu ma caisse l’an dernier et la région m’a filé un bon de 1000 balles à utiliser chez Cambio. C’est cool de rouler gratuitement grâce au contribuable en remerciement d’avoir pollué la ville pendant des années.
Nicole
Mon homme a vendu sa voiture de société, sans récompense financière (Flandre), parfois Cambio ou Poppie, mais à peine moins cher qu’un taxi.
Ariane
J’ai vendu ma voiture il y a plus de 3 ans pour utiliser Cambio. Très satisfaite.
Marco
Je l’utilise depuis au moins 5 ans et très satisfait aussi, tant pour les transports privés que professionnels.
Pierre (Liège)
C’est Pierre de Barricade, des Grignoux, et maintenant de Rhizosphère ; – )) Notre famille a été utilisatrice de Cambio pendant plus de dix ans… On fait juste une mini pause parce qu’on a retrouvé une vieille auto et qu’on a des travaux à faire, donc on va la faire mourir et puis on reprendra Cambio… Si le témoignage est utile, n’hésite pas… Au plaisir de te lire et de te revoir ; – )))
Orianne
Bonjour Claude, je travaille avec Guy et Brigitte à La Maison Éphémère, j’ai vu votre message concernant les Cambio. Je suis abonnée depuis que j’ai eu mon permis il y a 10 ans. C’est ma seule façon d’utiliser une voiture. Si vous avez encore besoin de témoignages, je suis là. Joyeuse journée ! Orianne
Chris
J’utilise Cambio. Cela me convient car je déteste conduire, mais pour les courses, c’est pratique. Le gros inconvénient de Cambio, c’est de devoir remettre la voiture là où on l’a prise, le prix quand on est seul (par exemple, le trajet pour aller seul à Anvers pendant une journée est plus cher que le train).
Et le dernier inconvénient, c’est de devoir planifier et réserver à l’avance.
Les “plus”, c’est de ne plus s’emmerder avec les entretiens, le parking, l’assurance, et au final ca coûte moins cher qu’une voiture toute l’année.
Mais partir un petit week-end à la mer à l’improviste pourrait être compliqué.
Après, ils proposent toujours des alternatives. Le site est pas mal fait.
Gilles
Bonjour, j’utilise Cambio depuis 18 mois et je serai ravi de témoigner en cas de besoin
Alan
Bonjour Claude, j’ai tout essayé : Cambio, Poppy, ZenCar, DriveNow, Ubeeqo, ZipCar, … Certains ont disparu et Cambio m’a hélas blacklisté, ce qui me chagrine.
Bibiane:
Salut Claude, j’ai utilisé Cambio pendant 3 ans environ, tant que j’habitais à Bruxelles.
Mais bon, je vois que tu as déjà eu beaucoup de réponses ;-).
Isabelle
Nous on utilise Cambio depuis janvier 2022.
Didier
Bonjour Claude … Presque 8 ans que nous avons abandonné notre voiture pour Cambio … Outre la somme de départ de 500 à 750 € (caution pour les cas d’accident) en fonction du type de contrat que tu choisis…. la réservation se fait via ton téléphone… je te conseille d’anticiper de plusieurs jours ta réservation la prise en main est “simple” (contrôle de l’état du véhicule… appel à la centrale via l’ordinateur de bord…).
Cela me coûte 11,50€ par mois plus les factures lors d’utilisation. Le service contact client fonctionne parfaitement et rapidement.
A bientôt Mes amitiés Didier
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