13 mars 2021
Il y a un an ma fille n’allait pas au lycée et le lundi qui suivait il était fermé (par Vincent Sornaga)
Le vendredi d’il y a un an ma fille n’allait pas au lycée et le lundi qui suivait il était fermé.
Cette vie de merde commençait.
Toutes nos vies sociales s’éteignaient peu à peu et nous comprenions, après la peur légitime d’un instant, que nous étions bel et bien en train de nous faire berner.
En fait, c’était pas exactement comme si on le savait pas déjà.
Mais là, ça allait nous exploser en pleine poire, et on a mis un petit temps à le comprendre.
Moi, j’ai été veinard au début. Je me suis caché avec des potes et de l’amour à la campagne. On a vu des beaux couchers de soleils pendant un mois, en prenant l’apéro et en s’autorisant de faire la fête à 4/5 enfermés, y avait un champ une rivière et des fermes.
Puis ce moment s’est arrêté parce que de toute façon on pouvait pas vraiment fuir plus longtemps.
Il fallait qu’on fasse face. Et revenir à nos réalités après ce moment étrange, c’était une nécessité.
On a compris que cette histoire, elle tombait pas si mal pour pas mal de gens qui avait un peu peur de perdre leur privilèges avant ça.
Que finalement quand on trouve une bonne raison de plus de faire vivre de la merde au gens avec cette fois une excuse en béton armé, bah on est tranquille, on a plus peur que les gens se révoltent.
Ils en ont moralement plus le droit!
Bah ouais la santé c’est important.
(alors de mon côté j’ai payé un lourd tribut au Covid donc qu’on me fasse pas chier avec ces histoires de santé et d’éducation et de civisme et de principe de précaution, c’est pas de ça dont je parle)
Finalement ça continuait d’éloigner les gens, et même de les replier sur eux-mêmes. Tout ceux qui souffraient déjà, de misère, d’exclusion, de violence de fatigue, de tristesse, de folie, de lassitude, de dépit.
Ouais, tout ceux là, leurs vies elles étaient déjà pas terribles et maintenant elles devenaient pires.
C’était pas parce qu’il y avait une pandémie mondiale qu’on souffrait plus.
C’était parce que les choix qui avaient été faits déjà avant étaient super pourris.
Et ce qui est encore plus flippant, c’est que plus on s’enfonce dans cette douleur, plus les choix pourris s’affirment comme des évidences contre lesquelles on ne peut rien, de plus en plus, de pire en pire, c’est ça les bonnes solutions.
Les fous deviennent plus fous, les tristes deviennent plus tristes, les pauvres plus pauvres, les seuls plus seuls etc…SUPER .
Moi jsuis là, avec tous ces mots dont nous nous abreuvons, pour construire notre réthorique de résistance, essentiel/ pas essentiel, humain/ économique etc, bref, voyez de quoi je parle, et je regarde ma fille presque contente de pas avoir de cours en vrai mais sur sa tablette, alors que ma fille elle est belle, elle est folle, elle est incroyablement subtile et généreuse, et je commence à m’en vouloir beaucoup de lui faire accepter cette situation et qu’elle finisse par trouver ça normal, parce qu’en fait ça va la gâcher et je me sens responsable.
Je commence à nous en vouloir beaucoup à tous de pas être plus virulents, pas plus hystériques. Parce que franchement y a de quoi.
Des petits toutous bien dressés, c’est le sentiment de moi-même qui est en train de naître et de nous tous.
Notre absence de pensée, de révolte, d’amour en fait me pèse terriblement.
Il ne s’agit plus de réagir au coup par coup.
Individuellement, il s’agit de se révolter avec la force que cela nécessite.
T’inquiète chou, je vais pas prendre une kalash, pour me faire dezinguer la gueule, je suis pas cinglé à quoi ça servirait?
Je vais me servir un rhum…et reprendre deux trois faux espoirs ( encore quelques un avant de m’anéantir t’inquiète )
Et puis quand il m’aura donné un peu de forces, dans deux trois jours, j’irai encore avec ceux qui veulent et qui en ont marre de tomber dans tous les panneaux qu’on nous jette à la gueule, faire des trucs marrants, beaux et violents pour rééquilibrer un peu l’ordre des choses.
Vincent Sornaga (publié dans un post de Facebook le 12 mars 2021).
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