01 janvier 2025
GOUVERNEMENT BRUXELLOIS : IL Y A UNE ISSUE par Henri Goldman
Fin 2024 : tout est bloqué. Si tout le monde reste sur ses positions, on ne voit vraiment plus comment il sera possible de constituer un gouvernement bruxellois.
On voudrait montrer que les Bruxellois sont incapables de se prendre en main qu’on n’agirait pas autrement.
C’est le résultat de plusieurs exclusives. Toutes peuvent sans doute se comprendre, mais, devant la menace grave qui découle de ce blocage, il faut commencer par les examiner une par une. Et alors, miracle : une solution se dégage. À gauche.
En vue de constituer un gouvernement bruxellois, trois exclusives se sont manifestées et se sont additionnées.
La première : le PTB. Pour le MR et les Engagés, pas question de contracter la moindre alliance avec ces infréquentables communistes héritiers du goulag. D’ailleurs, pour le MR, il faudrait mettre en place à leur égard une cordon sanitaire symétrique de celui qui interdit toute alliance avec le Vlaams Belang.
La deuxième : la Team Fouad Ahidar. À la surprise générale, cette liste s’est classée deuxième derrière Groen dans le collège néerlandophone. Mais, pour le MR avec toujours les Engagés à l’unisson, pas question de s’allier avec une liste communautariste limite islamiste dont le chef de file a été accusé d’antisémitisme. Pourtant, du côté flamand, il n’y avait pas d’objection de ce type. Ni du côté de Groen, ni, après un temps d’hésitation, du côté de Vooruit.
Les exclusives de la droite francophone à l’égard d’Ahidar obligèrent les négociateurs flamands à faire preuve d’imagination. Devant le refus du CD&V de monter dans le navire, ils furent obligés de se tourner vers la N-VA, pour certains en se bouchant le nez.
D’où la troisième exclusive. La N-VA a toujours refusé l’autonomie de la Région bruxelloise. Dans sa conception du confédéralisme, Bruxelles doit être cogérée par les deux Communautés, donc par des non-Bruxellois. Le PS refuse de faire entrer le loup dans la bergerie et bloque tout.
Démonter les exclusives
On en est là. Si aucune solution ne se dégage, la démonstration sera faite que les Bruxellois sont incapables de se gérer eux-mêmes et ils devront s’en remettre à un autre niveau de pouvoir, le fédéral ou les deux Communautés. La N-VA se frottera les mains. : elle aura gagné. Si on veut éviter ce scénario catastrophe, il faut réexaminer les exclusives une par une. Et pas seulement la troisième, qui est à mes yeux la seule qui soit sérieusement motivée.
Reprenons depuis le début. Islamiste, la Team Fouad Ahidar ?
Soyons sérieux. Son leader est un politicien chevronné, ancien président de la Vlaams Gemeenschap Commissie.
On peut avoir des doutes sur la fiabilité de ses colistiers, mais pas forcément plus que vis-à-vis d’une ancienne miss Belgique chouchoutée par le président du MR.
Le succès de cette liste est le symptôme d’un malaise persistant dans une part importante de l’électorat bruxellois. Avec ce genre d’exclusive aux relents islamophobes, on ne fera que le renforcer.
Bolchévique, le PTB ? Soyons sérieux. C’est ne rien comprendre à l’évolution de ce parti, qui confirme à chaque élection son ancrage populaire, et pas seulement dans les quartiers « ethniquement colorés ». Depuis l’accession à la présidence de Raoul Hedebouw en 2023, le PTB a complètement changé d’attitude par rapport à une éventuelle entrée dans des majorités. Plus question de mettre en avant des prétextes cousus de fil blanc pour ne pas y aller. Pour ce parti, rester éternellement au balcon n’est plus une option. Il a bien compris que ses électeurs risquent de se détourner de lui s’ils ont l’impression que leur vote ne sert à rien. Il suffit de se pencher sur les accords de majorité à Mons, Molenbeek et Forest : les partenaires du PTB ont dû convenir de l’approche désormais constructive de ce parti.
Une majorité ancrée à gauche
En levant ces deux exclusives, une majorité ancrée à gauche serait-elle possible en Région bruxelloise ?
Eh ! bien oui. PS+PTB+Ecolo, ça fait 38 sièges sur les 72 du quota francophone. Groen+Team Fouad Ahidar+Vooruit+PVDA, ça fait 10 sièges sur les 17 du quota flamand.
La double majorité est atteinte. Elle n’est pas confortable ? En effet. Mais c’est quoi l’alternative, puisque tout est bloqué ?
Pour les trois partis progressistes, je n’y vois que des avantages.
Le PS ne devrait pas partager le pouvoir avec la N-VA. Il y gagnerait la présidence de la Région et éviterait de se mettre complètement en porte-à-faux par rapport à ses camarades wallons en s’acoquinant avec le MR et ses acolytes Engagés, c’est-à-dire ceux qui ont mis le PS à la porte aux autres niveaux de pouvoir.
Le PTB démontrerait son sens des responsabilités, conformément à son offre de service à tous les niveaux dans le cadre d’alliances progressistes.
Quant à Ecolo, il s’éviterait une cure d’opposition impossible où il aurait été obligé de s’opposer frontalement à Groen, dont le leadership dans l’aile flamande du nouveau gouvernement est confirmé dans tous les cas de figure.
Bien sûr, le programme d’une telle majorité ne va pas de soi. L’état des finances de la Région ne laisse pas beaucoup de marges. Mais on a la faiblesse de croire que cette majorité serait moins contre nature que celle qui était en train d’être négociée et dont la constitution est de toute façon dans l’impasse.
Elle ferait de la Région bruxelloise un ilot de résistance aux politiques d’austérité qui s’annoncent partout, et notamment sur le terrain intégré social-santé où les initiatives progressistes du précédent gouvernement risquent d’être démantelées. Cela ne vaut-il pas la peine d’être tenté ?
Mes ami·es, mes camarades du PS, du PTB et d’Ecolo, de Groen et de Vooruit, on est nombreux à Bruxelles à vous demander d’au moins essayer.
Henri Goldman, le 31 décembre 2024
Sur son « blog cosmopolite »
et dans l’Asympto avec l’aimable autorisation de l’auteur
DE LA CHANSON À BRUXELLES
Je partage depuis longtemps avec Henri une triple passion pour la politique, le journalisme et la chanson. Nous échangeâmes même une fois ou deux, à la fin des années septante, quelques arguments polémiques, lui en tant que responsable de la rédaction de « La Gauche » (qui était à l’époque l’hebdo de la LRT / trotskiste), moi en tant que secrétaire de rédaction de l’hebdomadaire POUR (qui allait donner naissance à l’organisation Pour Le Socialisme / gauche révolutionnaire).
Nous nous sommes rencontrés plus personnellement un été solaire de 1982 à la Semaine Internationale de la Sainte-Baume, qui fut pour moi une date charnière, puisqu’elle marquait mon retour professionnel à la chanson après huit ans d’activités plus militantes. Pour la petite histoire, Irène Kaufer était également présente cette année-là ( et c’est dans ce même monastère isolé et solaire dans le massif de la Sainte Beaume que j’allais écrire, quatre ans plus tard, en plein hiver, les premières chansons “d’Odes à ma Douche”). Ce fut aussi l’année où j’ai sorti mon premier 33T (sur des arrangements de Paolo Radoni, avec la première version du « Pays Petit »), et l’année où j’ai rencontré la première femme avec qui j’ai vécu quelques années.
Ce long voyage dans la chanson n’est visiblement pas terminé, ni pour lui, ni pour moi, et Henri présente prochainement son nouveau récital autour de la ville de Bruxelles. J’y serai !
Claude Semal.
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