France/Belgique : TRAVAIL FORCÉ AU RSA-RI ? par Bernadette Schaeck

A partir du 1er janvier 2025, une réforme du RSA (Revenu de solidarité active) entre en vigueur dans toute la France.
Après une « expérimentation » dans 49 départements, les bénéficiaires devront signer un « contrat d’engagement » qui pourra les contraindre à effectuer de 15 à 20 heures d’activité par semaine (dont du bénévolat, des stages non rémunérés, des immersions en entreprise).
Ceux qui ne l’étaient pas encore (40%) seront automatiquement inscrits comme demandeurs d’emploi à France travail (1,2 millions supplémentaires de personnes y seront inscrites).
Le RSA, c’est l’équivalent du RI chez nous (Revenu d’intégration), avec toutefois de grosses différences dans les conditions d’octroi et avec des montants très bas (s’y ajoutent cependant parfois d’autres aides comme l’aide au logement).
France Travail, c’est l’équivalent des services régionaux de l’emploi, Actiris-FoREM-VDAB-ADG. Avec aussi de grosses différences.
Le « contrat d’engagement », c’est l’équivalent du PIIS (projet individualisé d’intégration sociale) qui précisera des objectifs d’ insertion sociale et professionnelle”.

Même recettes, mêmes discours, en France ou en Belgique.
C’est le discours du néolibéralisme. Sus à l’ « assistanat » et que vive « l’activation ».
Il s’agit de mettre fin au phénomène d’exclusion qu’entraînait le RSA, qui se résumait à une allocation et à un manque d’accompagnement réel pour le retour à l’emploi”, dixit le directeur général de France Travail.
« Ce qui ne se voit pas dans les chiffres mais qui est la clé de tout : c’est aussi un retour à l’estime de soi et à la confiance en soi », dixit la ministre du Travail.
« Ces nouveaux demandeurs d’emploi seront d’abord rangés dans une “catégorie d’attente” nouvellement créée nommée G, le temps d’être répartis dans une des catégories de A à F à l’issue de leur entretien d’orientation, la catégorie F étant elle aussi nouvelle et réservée aux personnes “en parcours d’insertion sociale“. « Ce contrat [d’engagement] sera personnalisé et coconstruit entre la personne et l’organisme référent”, dixit France Travail et le ministère du Travail.

Dans un débat organisé par BFMTV, on se croirait face à GL Bouchez interrogé par Cyril de Vivacité (« C’est vous qui le dites ») et des témoignages “d’auditeurs”.
Par exemple, celui qui parle des agriculteurs qui bossent 15 heures par jour et gagnent parfois moins qu’un bénéficiaire du RSA.
Ou, le clou, le témoignage d’un chef d’entreprise qui perçoit le RSA pour lui permettre de développer son activité et qui dénigre les allocataires paresseux et inactifs, ainsi que l’esprit même du RSA « qui ne vise que le bien-être des personnes » (si, si !).
L’ « accompagnement » coûte cher ? Oui, mais dans le département du Nord (un des premiers à lancer l’expérimentation), il y a parait-il 20.000 bénéficiaires du RSA en moins, ça fait 180 millions d’euros d’économies (sur une année). « C’est rentable, c’est bon pour les personnes, c’est bon pour les entreprises et c’est bon pour les finances publiques” assure le directeur général de France Travail.
C’est surtout « rentable » pour les entreprises. Car parmi ces 20000, il y a évidemment aussi tous ceux et toutes celles qui se retrouvent exclus d’une aide sociale – sans plus aucun revenu, et sans avoir pour autant retrouvé un travail.
« Pour leur bien », bien entendu. CQFD ?
J’ai oublié de vous le dire : bonne année quand même !

par Bernadette Schaeck, de l’Association de Défense des Allocataires Sociaux

NDLR : Pour celleux qui souhaiteraient approfondir le sujet, je vous renvoie à l’excellente analyse de la question par un nouveau webmagazine en développement « Frustration Magazine ».
Pour autant que je puisse en juger, c’est une sorte « d’Asymptomatique » français, plus collectif dans son fonctionnement, et avec une référence plus explicite à la lutte de classes. C’est bien pensé, et bien écrit. Voici le début de l’article, et un lien vers la suite de l’article.
Je vous invite bien entendu aussi à vous y abonner si vous le jugez utile (c’est également une formule « à prix libre »).
(Claude Semal)

Pourquoi le travail obligatoire au RSA est la pire mesure de Macron

(par Rob Grams, pour « Frustration Magazine »)

Concrètement, les allocataires du RSA (635,71 euros par mois pour une personne seule sans enfant, pour rappel) vont être inscrits d’office à France Travail, ex-Pôle Emploi, et devront réaliser obligatoirement 15h d’activités par semaine, qui vont de l’atelier réalisation de CV à de « l’immersion en entreprise », c’est à dire du travail gratuit. S’ils ne font pas leurs heures, les Conseils Généraux, qui versent le RSA, pourront le suspendre et, concrètement, laisser ces gens déjà très pauvres crever de faim. Que l’on ne s’y trompe pas : la réforme du RSA est une mesure de mise au pas de toute la société, en terrorisant les plus pauvres et en faisant peur aux autres.
L’objectif de faire travailler les gens en contrepartie du RSA, n’est pas juste celui, parfaitement ignoble, d’humilier les ultra-pauvres, les précaires, les chômeurs sans droits, les SDF, les jeunes, les gens fracassés par la vie qui ne sont plus en mesure de travailler. Il n’a pas pour simple vue de conforter les fractions les plus ignares des franges bêtement droitières et bourgeoises de la population dans leur vision stéréotypée et facile d’allocataires du RSA fumant des joints devant des documentaires animaliers, grassement nourris et logés sur l’argent du contribuable“.

Il poursuit un second objectif, tout aussi grave que le premier : réduire le prix du travail à des niveaux en-dessous du seuil de subsistance. Car faire travailler en échange d’une allocation, ce n’est plus une aide sociale, c’est un nouveau type de contrat de travail, un contrat où l’on fera travailler les gens à des salaires qui ne leur permettent même pas de manger et de se loger. On a donc ici une des plus offensives les plus violentes de la bourgeoisie depuis au moins un siècle.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCD) a rendu un avis le 19 décembre dernier (1). Cet avis devrait alerter tous les défenseurs de la démocratie puisqu’elle estime que la réforme du RSA « porte atteinte aux droits humains ». Elle dénonce notamment un « dispositif qui subordonne le versement d’un revenu minimum de subsistance à la réalisation d’une contrepartie », d’autant que le montant actuel du RSA (635,71 euros par mois pour une personne seule sans enfant) « ne permet, par ailleurs, pas de vivre de façon digne »”.

(par Rob Grams pour « Frustration Magazine »)

(1) https://www.cncdh.fr/publications/declaration-sur-lobligation-dheures-dactivite-en-contrepartie-du-rsa

La suite de l’article par ici : https://www.frustrationmagazine.fr/rsa-travail/

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