FEMMES QUI RÉSISTENT, FEMMES QUI COMBATTENT

Jour après jour, les images se suivent et se ressemblent : longues cohortes de femmes, accompagnées de personnes âgées et d’enfants, fuyant les bombardements et l’avancée des troupes russes, tandis que les hommes vont se battre jusqu’au bout.
Il n’y a rien d’indigne à s’échapper de l’enfer ukrainien, d’autant plus quand c’est pour protéger les plus vulnérables. Mais cette image est au moins partiellement fausse. Car toutes les femmes ne partent pas; elles aussi résistent sur place, elles s’occupent de l’indispensable logistique, soignent des blessé·es, certaines vont au combat. Et parce qu’elles sont largement invisibilisées, en ce 8 mars, elles méritent d’être mises en avant.
Le site de TV5 rend hommage (ou femmage) à certaines de ces résistantes.
Dans le quotidien le Monde, la journaliste Claire Legros donne la parole à la sociologue Ioulia Shukan, qui explique comment des femmes participent et revendiquent l’égalité d’accès aux métiers militaires.

Extraits:

– Comment analysez-vous les images médiatiques de femmes partant en exil quand les hommes restent pour affronter l’agresseur ?

Elles ne sont pas étonnantes. La couverture médiatique reflète des représentations des rôles masculin et féminin qui sont encore très ancrées dans la société ukrainienne. La conscription, exclusivement masculine, a été rétablie en 2014 en Ukraine avec le début de la guerre du Donbass. Il existe dans le pays un clivage genré très net, lié à un double héritage soviétique et post-soviétique.
A l’époque de l’URSS, le projet communiste cherchait à émanciper les femmes en proclamant l’égalité des sexes et la reconnaissance de leurs droits. Mais des recherches historiques ont aussi montré qu’il s’agissait d’une émancipation en trompe-l’œil car, en parallèle, les femmes étaient assignées au travail reproductif qui était même considéré à certaines époques comme un devoir. Dans la famille de l’époque soviétique, la femme portait seule la charge du soin du foyer et de ses proches.

(…)

– Comment a évolué la place des femmes dans l’armée ces dernières années ?

La guerre du Donbass a marqué le début d’une mobilisation de citoyens ordinaires à l’arrière du conflit armé. Des études ont montré qu’il s’agissait d’hommes et de femmes à parts presque égales, âgés de 30-35 ans, qui représentaient environ 14 % de la population, appartenant à des couches supérieures ou inférieures de la classe moyenne. Ce bénévolat, qui s’est poursuivi tout au long des huit ans du conflit, était marqué par des divisions de genre : les femmes s’occupaient plutôt de l’assistance aux blessés militaires ou aux déplacés internes, alors que les hommes approvisionnaient les lignes de front en nourriture ou équipements. Mais des femmes ont aussi pris les armes, en rejoignant l’armée ou les bataillons d’engagés volontaires, ce qui fait écho à leur participation aux unités d’autodéfense de Maïdan ou leur participation à des séquences d’affrontements avec la police, malgré la volonté des hommes de les évacuer pour les protéger.
Pendant les phases chaudes de la guerre, elles étaient médecins, mais maniaient aussi des armes, participaient aux combats mais sans toujours bénéficier du statut ou de la reconnaissance qui vont avec. Les textes législatifs limitaient en effet l’accès des femmes à l’exercice de certaines professions militaires. Elles pouvaient être cuisinières, secrétaires, opératrices des troupes de transmission, mais il existait une liste de métiers – tireurs, conducteurs de char – qui leur étaient interdits. Elles étaient peu nombreuses à occuper des positions d’officiers de l’armée, ce qui fait qu’elles n’avaient pas les mêmes salaires que les hommes.
(…) Aujourd’hui, l’accès à deux tiers des postes se fait sur un principe d’égalité, même si les représentations dominantes restent encore très présentes dans la société.

PS : J’aurais voulu illustrer cet article par une image de femmes combattantes. Mais ma recherche m’a amenée à ce constat consternant : en 2022 encore, une femme combattante est souvent hypersexualisée, genre treillis militaire – bas résilles – pose suggestive. Alors, j’ai préféré cette photo d’un collage féministe, prise ce matin à Bruxelles. Parce que tous ces combats se rejoignent.

Pas de commentaires

Poster un commentaire