“Don’t look down” ouvre le débat : UN MONSTRE EN OR DANS LE MÉTRO 3

Aïe Aïe Aïe ! Tous aux abris ! Avec la ligne de métro 3, un nouveau projet pharaonique risque d’éventrer et d’immobiliser Bruxelles pendant toute la prochaine décennie.
De nouveaux travaux dans la capitale… c’est sûr que ça nous manquait ! Et attention à l’addition.

 

Sur sa page Facebook, la députée bruxelloise ECOLO Isabelle Pauthier s’émeut :
Et pour le métro 3, on fait quoi? Le premier tronçon (Albert-Nord) est en travaux : à Albert, à Stalingrad, à la gare du Nord. C’est la partie la plus facile car il ne s’agit que de transformer le pré-métro en métro (le tunnel existe déjà) et de construire ou modifier profondément deux stations (Toots Thielemans à Stalingrad et Albert)… mais elle dérape déjà. L’enquête publique est en cours sur le deuxième tronçon (Nord-Bordet) où il s’agit de creuser un tunnel de 4,5 km, de creuser 7 stations et un dépôt à Haeren, mais l’étude d’incidences fait plus de 7.000 pages. Démocratiquement, un mois pour l’analyser ce n’est pas raisonnable. Le métro est certes dans l’accord de majorité mais, entretemps, il s’est transformé en train fantôme.”
Je ne mets pas en doute la sincérité ni la réelle inquiétude d’Isabelle, qui a dirigé pendant quelques années l’ARAU, le très pertinent Atelier de Recherche et d’Action Urbaines, et qui a été élue comme candidate d’ouverture sur les listes ECOLO.
Mais enfin, il y a quelque chose d’un peu schizo à critiquer, comme si on était dans l’opposition, un projet pharaonique et un gouffre à finances qui faisaient partie de l’accord de majorité à Bruxelles – dans un gouvernement auquel ECOLO participe de plein pied (1).

Car derrières leurs palissades, les travaux de centre Ville de Bruxelles évoquent déjà trop souvent et depuis trop longtemps une annexe de Sarajevo bombardée. Symboliquement, les échafaudages bringuebalants de la Place Poelaert, eux-aussi en perpétuels travaux provisoires, sont en bonne voie de devenir notre nouvelle Tour Eiffel – un lieu de passage obligé pour touristes en autocar. Or même du point de vue de la seule “mobilité”, il y a quelque chose d’étrange à vouloir immobiliser toute une capitale pendant dix ans, pour ensuite espérer gagner dix minutes en la traversant sous terre vers 2035. C’est la Belle au Bois Dormant au Pays de Lewis Carroll, avec ses lapins fous et ses montres absurdes.
Face à cette catastrophe annoncée, dont on sait à l’avance, pour l’avoir déjà moult fois expérimentée, qu’elle va exploser les budgets et les délais, un collectif d’artistes, d’universitaires et de citoyens vient d’imaginer un formidable outil d’information et de mobilisation. Le métro 3 mérite bien un débat public !

« Don’t Look Down » a été réalisé par un collectif de vidéastes bruxellois, dans le cadre de Putspace, un programme inter universitaire mené par les universités de Tallinn (Estonie), Turku (Finlande), Leipzig (Allemagne), Bruxelles (Belgique), et consacré aux transports en commun.
Sous ce titre ironique, « Don’t Look Down » explore les dessous du projet d’infrastructure le plus coûteux de toute l’histoire de la Région bruxelloise. On peut découvrir gratuitement ce travail sur le site www.dontlookdown.be, ou sur la page Facebook @metro3dontlookdown.
Alors qu’une enquête publique est déjà en cours pour le tronçon nord du métro 3 (jusqu’au 5 avril dans les communes de Schaerbeek, Evere et Bruxelles-Ville), et que les Bruxellois disposent ainsi de seulement 30 jours pour prendre connaissance d’un dossier de 6300 pages, « Don’t Look Down » vient de mettre en ligne ses six premiers épisodes de “contre information”. Et c’est tout-à-fait passionnant.

Contrairement à la comédie américaine qui a inspiré son titre, ce n’est pas une comète qui nous fonce sur la tête dans “série” documentaire… mais un tunnelier qui va creuser sous nos pieds, pour y enterrer les transports en commun et créer un véritable gouffre financier. Car ce “grand projet” va mobiliser les ressources publiques pendant toute la prochaine décennie et accroître l’ardoise de la Région bruxelloise. Sans jamais vraiment convaincre qu’il est la réponse adéquate et nécessaire aux enjeux de la mobilité à Bruxelles, ni d’ailleurs aux autres urgences environnementales.
Le métro 3 aligne en effet des chiffres vertigineux : des coûts estimés à 2,3 milliards d’euros, un chantier d’une durée minimale de 10 ans, et un bilan carbone lourd d’au moins 310.000 tonnes équivalent CO2 (uniquement pour les travaux… ).
Des chiffres en regard desquels les bénéfices de cette nouvelle ligne semblent bie dérisoires: les études officielles prédisent en effet que sa mise en service produirait à peine 0,6% de réduction du trafic automobile à l’heure de pointe.
Et cela d’autant plus que de fortes incertitudes planent sur son coût, régulièrement revu à la hausse, mais aussi sur son financement, ce qui fait craindre un “effet RER”, un déraillement budgétaire de la Région bruxelloise, qui se ferait évidemment aux dépens d’autres politiques publiques.

« Don’t Look Down » est un véritable outil de participation citoyenne, qui souhaite ainsi contribuer à nourrir l’indispensable débat sur le métro 3 à travers de courtes vidéos didactiques. Elles donnent la parole à des chercheurs et à des habitants et la confrontent avec les arguments des autorités et du gouverne ment bruxellois.
La série « Don’t Look Down » sera composée de 10 capsules de 5 à 10 minutes. Les six premiers épisodes sont déjà en ligne. Chacune décortique un aspect particulier du dossier : son historique, son mode de gouvernance, sa durée de réalisation, ses coûts financiers, le bilan écologique de l’opération, la disparition du tram en surface, les possibles alternatives, le mode opératoire du chantier, ses impacts sociaux et sur l’espace public, etc… Un chouette outil pour sortir la tête du tunnel.

Claude Semal (largement inspiré par le dossier de presse du projet).

(1) Précision d’Isabelle Pauthier : Parce que le PS en avait fait un pré-requis à la participation et qu’Ecolo à fait cette concession, mais c’était avant la pandémie, qui a entraîne le télétravail (et d’importantes pertes d’exploitation pour la STIB), avant l’envolée des coûts, et avant les découvertes qu’on fait en lisant l’étude d’incidences. Ça sert à cela, du reste : étudier les incidences.

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