AMÈRE VICTOIRE ET PARTAGEUX TRIOMPHE par Bernadette Schaeck

Une victoire. Importante, mais amère tout de même.
Le CPAS avait pris des décisions extrêmes : retrait du RI (revenu d’insertion), sanction de 6 mois, récupération de 25.000 €.
Pour soi-disant fraude : elle aurait été hébergée essentiellement chez une seule personne, au lieu de l’être chez plusieurs hébergeant.es différent.es.
Une “fausse” sans abri coupable de “grande” fraude sociale ?
Le Tribunal du travail en a jugé autrement.
La récupération des 25.000 euros est considérée comme illégale. Elle a donc été annulée.
Le jugement argumente très longuement sur la question de la détermination de la situation de sans-abri. Argumentation dont ce CPAS devrait tenir compte dans sa façon de (mal)traiter les personnes sans-abri…

Le CPAS a été en appel de ce jugement.
La Cour du travail a confirmé le jugement du Tribunal du travail : la récupération des 25.000 euros est illégale.
La Cour a passé au peigne fin les nombreux rapports sociaux et les nombreux rapports contradictoires qu’on a fait signer à la personne. L’arrêt compte 28 pages.
On ne peut pas dire que la Cour du travail a pris une décision à la légère !
La décision de récupération est donc annulée.
Vous imaginez à quel point c’est important : devoir rembourser une telle somme quand on ne bénéficie que du RI, c’est parfois pour tout le reste de la vie, et au prix de privations constantes. Soulagement donc.

Mais reste l’incroyable énergie qu’il a fallu déployer pour contester la décision.
Les courriers au CPAS ; une audition par le Conseil après laquelle j’ai pété un câble ; révoquer le premier avocat qui avait été, disons, pas très actif ; en trouver une autre.
Puis passer des dizaines d’heure à passer au crible un très volumineux dossier « social » ; les conclusions du premier avocat puis celles de la deuxième ; les deux conclusions du CPAS pour le recours au Tribunal du travail ; les conclusions du CPAS et de l’avocate pour la requête en appel ; les innombrables pièces du CPAS pour le recours au Tribunal du travail puis pour l’appel devant la Cour du travail dans ce qu’on appelle le dossier de pièces (dont des choses écœurantes comme des dénonciations envoyées au CPAS par un membre de la famille, des photos volées sur Facebook dont des dizaines de photos en compagnie d’un ami dans un restaurant tentant de démontrer une liaison et donc une cohabitation) ; …

Bref, du lourd et du parfois pas très ragoutant.
Mais la victoire n’est pas amère uniquement, ni même avant tout, pour tout cela.
Elle l’est parce que pendant tout ce temps, elle a énormément souffert, ne comprenant pas cet acharnement à son égard ; parce que pendant près de deux ans elle a été sans aucun revenu ; parce qu’elle se trouvait confrontée pendant toute cette période à des problèmes de santé et d’autres problèmes d’ordre personnel que je tairai ici ,et qui n’étaient absolument pas pris en compte.
Pendant tout ce temps, elle n’a été pour eux que la fraudeuse et la menteuse.
Une sorte de déshumanisation.
La victoire est amère aussi parce qu’elle a été obtenue en dépit du fait que le recours a finalement été considéré comme introduit hors délais.
Seule la question de la récupération a donc pu être examinée par le Tribunal du travail puis par la Cour du travail. Pas celle de la sanction, ni du retrait du RI.
Un CPAS débordé par la lutte contre la soi-disant fraude sociale au détriment de ses missions essentielles.

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En espérant que vous puissiez continuer à aider le plus de gens possible” !
Il m’envoie un message à la sortie de l’audition par le Conseil.
Le CSSS (Comité spécial du service social) a pris une décision positive, lui permettant de poursuivre la formation qui lui tient tellement à coeur.
Il a dû argumenter. Il avait des arguments “solides”. Il été écouté et entendu.
Les membres ont été compréhensifs et cohérents avec leurs questions tout en maintenant les réalités de l’accompagnement du CPAS“, me dit-il
Il poursuit : “Vos conseils ont été essentiels pour aborder cette audition avec des arguments solides, aussi je tiens fortement à vous remercier du temps que vous avez pris ces derniers jours. Vu que mon projet a été validé et que je peux respirer quant aux perspectives financières des prochains mois, je viens de procéder à un virement à l’ADAS, en espérant que vous puissiez continuer à aider le plus de gens possible!

Une défense individuelle, c’est parfois seulement cela : préparer une audition à laquelle nous ne saurions accompagner tout le monde, dans les 262 CPAS wallons et 19 bruxellois, et parce que celle-ci avait été fixée très rapidement. Mais ça peut être décisif. Son message me réjouit pour plusieurs raisons. Il peut poursuivre son projet et c’est essentiel pour lui.
Le CSSS s’est comporté comme nous souhaitons que d’autres le fassent plus souvent.
Il remercie en faisant un geste pour que d’autres puissent être aidés.
Et ça, ça me réjouit vraiment ! Bon vent à lui ! Et bonne journée à toutes et tous…

Bernadette Schaeck, de l’Association de Défense des Allocataires Sociaux

Contact : http://www.adasasbl.be

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