03 décembre 2021
UBER ÜBER ALLES (OU PAS) par Jean-Claude Englebert-Cahen (sur Facebook)
Uber est notre ennemi (oui, il m’arrive aussi d’avoir des convictions profondément ancrées)
Pour le client, Uber, c’est cool. On tapote sur son smartphone, la voiture arrive, on va où on l’a demandé, c’est payé sans liquide et on peut donner son avis. Les chauffeurs Uber sont gentils. Tu m’étonnes, Yvonne !
Ils ne sont pas gentils : ils sont forcés. Si tu mets un avis négatif, ils peuvent être jetés comme des merdes. Peut-être, sans doute, certains chauffeurs Uber sont-ils vraiment gentils. Mais la relation est tellement biaisée qu’aucun client ne peut en être certain. Client, tu ne vois de l’humain qui te conduit que ce que l’application et son système de notation te laissent en voir.
Uber, c’est moins cher. Tu m’étonnes, Albert !
Comme tout le monde peut devenir chauffeur Uber, la concurrence est féroce. Ils ne choisissent rien. Juste de bosser jusqu’à ce qu’ils aient assez de sous. Et quand Uber change ses conditions, et bien le seul choix qu’ils ont, c’est accepter ou ne plus rien avoir du tout.
Uber, ça fournit du boulot à plein de gens qui vont se retrouver sur la paille si la décision de justice rendue est appliquée.
Le travail, la source de rémunération est l’argument le plus souvent invoqué pour justifier une activité économique et je ne connais pas d’exception au fait que, quand on invoque cet argument, c’est à mauvais escient.
Il y a bien plus de gens dont la rémunération dépend du deal ou de la vente de trucs qui ne servent à rien sinon à polluer ou à endetter des gens que de chauffeurs Uber. Et puis quel boulot ? Un boulot où tu dois tout accepter, y compris la concurrence de gens qui crèvent plus de faim que toi et vont accepter des conditions qui vont, toi, te foutre dans la merde ?
On pourrait à juste titre être surpris de ce qu’un cycliste quotidien se positionne en faveur des chauffeurs de taxi traditionnels, alors que parmi les pires comportements d’automobilistes figurent ceux de certains taximen.
On pourrait aussi croire que je me rallie à la position adoptée par le Parti Socialiste au Parlement Bruxellois, alors que ce parti est historiquement celui de la trahison, celui qui me déclare être son ennemi en mettant sur un même pied nazisme et communisme, et, sans vouloir être mauvaise langue, qu’il n’est pas tout à fait impossible que la position du PS ne soit pas totalement exempte de considérations clientélistes (ceci est une phrase candidate à un prix d’euphémisme).
On pourrait comprendre que j’ai changé d’avis par rapport au salariat, alors que j’ai toujours prétendu que le salariat, c’est la base du capitalisme, c’est pour le travailleur la dépossession de ses moyens de production et du fruit de son travail, et ça vaut aussi pour les compagnies de taxi.
Et bien non, je n’ai changé d’avis sur rien : certains chauffeurs de taxi sont des voyous motorisés, le PS est un pilier de la démocratie dite bourgeoise, qui commence par être bourgeoise et oublie le reste en route et se réjouir d’être salarié, c’est se réjouir d’être exploité. Et il faut se battre pour chacune de ces causes.
Simplement, avec Uber, ça devient infiniment plus difficile. Parce que le patron, c’est le téléphone du chauffeur et parce que la précarité dans laquelle ces chauffeurs sont plongés les conduit à devenir ennemis de leur propre dignité : chez Uber, il ne peut (presque) pas y avoir de grève, tout le monde est le « jaune » de l’autre.
Jean-Claude Englebert-Cahen (sur Facebook)
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