28 novembre 2021
L’HOMME EST-IL UN LOUP POUR LA FEMME ?
En ce 28 novembre, journée de manifestation contre les violences faites aux femmes (voir photo), comment ne pas penser à l’affaire qui agite la France: les accusations de viols et agressions sexuelles contre Nicolas Hulot, ex animateur de « Ushuaïa », ex-ministre de la Transition écologique dans le gouvernement Macron, et l’une des personnalités les plus populaires chez nos voisin·es?
Après une première accusation pour viol en 2018, classée sans suite pour cause de prescription des faits, une enquête fouillée reprenait les témoignages de cinq femmes dans l’émission Envoyé Spécial du 25 novembre.
Aussitôt, les journalistes Virginie Vilar et Elise Lucet ont été pointées du doigt pour avoir organisé un “tribunal médiatique”, où l’accusé était condamné d’avance. On peut lire ici une réponse de Titiou Lecoq.
Physique ingrat
Les agressions sexuelles ont ceci de particulier que les victimes hésitent à porter plainte, par crainte d’être mal reçues, de ne pas être crues, de se voir reprocher leur propre responsabilité: ont-elles assez clairement dit non ? N’ont-elles pas été imprudentes ou même “provocatrices”, par leur comportement ou les vêtements qu’elles portaient ? Résultat : on estime que seulement un viol sur dix fait l’objet d’une plainte. Amnesty a publié en 2020 une enquête qui en dit long à la fois sur la fréquence des agressions sexuelles, la difficulté d’en parler et les préjugés qui les entourent, notamment celui-ci, assez effarant : pour 23% des jeunes, “les femmes aiment être forcées“.
Contrairement à l’idée reçue du violeur qui serait un inconnu sautant sur sa proie dans un lieu désert, la nuit, selon SOS Viol 80% des agressions sont le fait de proches, conjoint, membre de la famille, ami, voisin… Le “cas Hulot” présente une particularité supplémentaire : un homme connu, admiré, qu’on côtoie volontiers, et qui provoque une sidération d’autant plus grande lorsque son comportement prend un tour inattendu. Il est alors encore plus difficile de parler: parce qu’on l’a suivi volontairement, qu’on n’a pas été capable de réagir, parce que ses dénégations auront pus de poids que tous les témoignages. Et puis vient une première femme qui parle, et d’autres qui s’y reconnaissent et parlent à leur tour. Car si elles ont voulu effacer ce moment, parfois il ressurgit, à un moment important dans leur vie : l’attente d’un enfant, la glorification soudaine de leur agresseur, l’impression de devoir protéger d’autres femmes… C’est aussi cela, les effets du mouvement #MeToo.
Mais voilà : en général, ces hommes ne reconnaissent pas les faits. Ils se présentent eux-mêmes comme victimes. Ils ne sont même pas capables d’admettre qu’ils n’ont peut-être pas compris à quel point leur comportement pouvait affecter la vie de leur victime: après tout, un “baiser volé”, c’est juste “romantique”… Cette incapacité à entendre et se remettre en question se reflète dans cette réaction de Hulot : “Je sais que j’ai un physique très ingrat, et que donc seule la contrainte me permet de vivre des histoires d’amour”, s’est-il permis d’ironiser.
Ainsi donc, les agresseurs sexuels seraient tous moches et seuls, incapables de vivre des “histoires d’amour” (éventuellement réduites à une fellation dans un parking) autrement que par la violence.
Pas tous les hommes !
Dès lors se pose la question provocante en titre : l’homme t-il un loup pour la femme… ? Et j’entends déjà la réaction classique : “Pas tous les hommes”! Bien sûr, pas tous les hommes. Tous les hommes ne frappent pas leur compagne, tous les hommes ne droguent pas les jeunes femmes dans les bars pour les violer, tous les hommes célèbres ne profitent pas de leur position de pouvoir pour imposer ce qu’on appelle pudiquement des “faveurs sexuelles”. Mais à moins d’imaginer qu’il existe quelques rares prédateurs qui sévissent dans nos villes et nos campagnes – comme un loup unique qui s’en prend à des troupeaux entiers de moutons – il faut bien conclure que s’il y a autant de femmes agressées, c’est qu’il y a aussi beaucoup d’agresseurs.
En Flandre, récemment, une affaire de harcèlement sexuel a fait beaucoup de bruit. Certes il ne s’agit pas d’agressions physiques, de viol, mais on a pu découvrir au cours du procès du producteur et réalisateur Bart De Pauw comment des faits apparemment moins “graves” suffisent à pourrir la vie des victimes. De Pauw, qui n’a pas non plus un “physique ingrat”, avait systématiquement harcelé des femmes qui travaillaient avec lui, l’admiraient souvent et ont beaucoup tardé à porter plainte, jusqu’à ce que l’une d’entre elles se lance dans la foulée de #MeToo, après que la VRT ait mis en place un lieu de confiance où l’écoute était assurée. D’autres l’ont suivie. Le 25 novembre – journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes – un tribunal condamnait De Pauw à six mois de prison avec sursis. Le but des plaignantes n’était pas de l’envoyer en prison, mais de faire reconnaître par la Justice que le harcèlement qu’il a fait subir à une série de femmes, parmi lesquelles neuf ont porté plainte, est inacceptable. Car lui non plus n’a rien voulu comprendre.
Christine Badot
Publié à 14:13h, 11 décembreEst-ce que les loups violent? est-ce qu’ils dominent, soumettent, humilient, contrôlent leurs partenaires? (Pas tous les loups, bien sûr, juste quelques-uns?)
Présenter la “loi du plus fort” comme la loi de la Nature, c’est une construction culturelle. C’est celle du monde capitaliste et du patriarcat, qui s’auto-justifient.
Être un loup, c’est d’abord être un animal social, qui collabore et a de l’empathie, simplement parce que sa survie en dépend. (Comment peut-on l’oublier, alors qu’on connait tous l’histoire de Mowgli,?)
La société patriarcale, qui valorise et érotise la domination ET son corollaire, la soumission, n’a rien de naturel.
Déposer plainte, c’est prendre le risque d’arrêter d’obéir à cette prétendue “loi” du plus fort, du dominant et du dominé.
C’est arrêter de la valider en lui opposant d’autres lois, celle de la Justice et des Droits Humains*
En réalité, les lois des loups et de tous les animaux sociaux, incapables de survivre seuls ; l’entraide, la solidarité et l’empathie.
*(en anglais : Human Rights, et pas man rights!)