11 septembre 2021
ECRASER LE DRAGON DANS L’OEUF !
Je pensais vous parler cette semaine du livre que Marius Gilbert vient de sortir (1) sur son travail scientifique, son rôle de “consultant COVID” médiatique et gouvernemental, et sur les questions qu’il se pose aujourd’hui face à cette épidémie.
Cela semble tout à fait passionnant, mais c’est dense et documenté, et cela ne se lit pas en deux heures. Ce sera donc pour la semaine prochaine.
J’ai toutefois eu le temps de découvrir (page 20, je lis lentement) tout le bien qu’il pensait des équipes scientifiques chinoises, qu’il a régulièrement croisées lors de ses travaux internationaux sur les zoonoses (c’est-à-dire sur les maladies transmises par des animaux).
“J’ai eu des dizaines de réunions avec des scientifiques chinois. Ils sont bons, ils sont très bons, ils savent très bien de quoi ils parlent, certains de leurs hôpitaux et de leurs laboratoires sont parmi les plus modernes au monde” (Marius Gilbert, ibidem).
Oubliez donc l’image d’Épinal du médecin aux pieds nus faisant pousser sa pénicilline dans un bol de riz cantonnais pour soigner au fond d’un village perdu un paysan moyen pauvre blessé par sa charrue.
Or je viens de lire, coup sur coup, dans deux grands médias internationaux, des articles qui dézinguaient allègrement les vaccins chinois.
“Le Monde” n’est certes plus celui d’Hubert Beuve-Méry, mais il reste en France un “quotidien de référence”. Quant à la BBC, elle a incarné pendant longtemps ce journalisme anglo-saxon qui distinguait “tellement bien” un fait d’un commentaire, et n’hésitait jamais, au terme d’une enquête de dix-huit mois, d’envoyer par conscience professionnelle un Président des Etats-Unis devant la Cour Suprême. Est-ce que sucer, c’est tromper ? C’est un vaste débat, Votre Honneur. J’invoque le Premier Amendement. Rien de tout cela ici.
Juste deux petits articles venimeux, histoire de savonner la planche aux Sinopharm et autres Sinovac, qui essayent actuellement de mettre pied sur le marché européen. Ce ne sont certes pas des “publications scientifiques”, validées par des pairs, mais enfin, cela crée, comment dire, un certain état d’esprit.
Sinovac, déjà exporté dans 38 pays, est dans la salle d’attente européenne depuis le 4 mai. A côté de Spoutnik V, le vaccin russe, exporté dans 49 autres, qui y patiente depuis le 4 mars.
Ben quoi ? La Commission Européenne veille à notre santé et prend le temps de la réflexion, c’est tout. En ce qui concerne ces deux prétendants, du moins. Car elle a déjà commandé 300 millions de doses à Sanofi-Pasteur… qui n’a toujours pas le moindre vaccin commercialisable. Comprenne qui veut comprendre. Vous l’entendez, le doux murmure de l’argent qui circule, roucoule et corrompt ?
Le 14 juillet 2021, donc, sur BBC.com, Pablo Uchoa résume ainsi la situation : “Les deux principaux vaccins chinois font l’objet d’une actualité négative (ndlr : traduction Google Translate) : une augmentation des infections, et même des décès parmi les populations vaccinées avec Sinovac et Sinopharm” (2).
Ciel ! Damned ! Enfer et damnation ! On imagine l’hécatombe en Chine, où deux milliards de doses ont déjà été distribuées par les autorités. Oui, vous avez bien lu : deux milliards de doses. Ou dans les 102 autres pays où Simopharm et Sinovac ont déjà été vendus. C’est donc sans doute pour ménager notre sensibilité exacerbée, que l’auteur mentionne dans son article la Mongolie, le Chili… et les Seychelles (97.000 habitants). Or il y a un problème. Quand on regarde les courbes épidémiologiques “officielles” de ces deux dernier pays (voir ci-dessous), on ne trouve aucune trace de cette prétendue hausse et “surmortalité” vaccinale chinoise. Et je crains fort que l’article de Pablo Uchoa ne soit plus tard cité, non pour la qualité de son “enquête épidémiologique”, mais comme un exemple flagrant de “désinformation partisane”.
Aux Seychelles (moyenne des sept derniers jours) : 22 contaminations, zéro mort
L’épidémie en Chine : Waterloo morne plaine. Moyenne des sept derniers jours : 26 cas.
Rebelote, le 19 juillet 2021, le “correspondant” du “Monde” à Shanghaï, Simon Leplâtre, remet le couvert avec ce titre ébouriffant : “Le Vaccin chinois Sinovac produit dix fois moins d’anticorps que le Pfizer“. Dix fois moins ! Damned ! (3)
Ce qui a provoqué un communiqué courroucé de l’Ambassade de Chine à Paris, dans le plus pur style aérien de feu “Pékin Informations” (4).
Notez bien, ironie de l’histoire, qu’à ce moment-là, en Israël, on préparait déjà l’injection d’une troisième dose de vaccin Pfizer à deux millions de personnes, prélude à une quatrième dose aujourd’hui annoncée. Ce qui, incidemment, a doublé le budget de la vaccination pour l’ensemble de la population israélienne. Cela fait combien, dix fois moins de deux fois plus ?
S’il y a un pays qui semble pourtant maîtriser l’épidémie sur son immense territoire, c’est bien la Chine. La courbe de l’épidémie, là-bas, c’est Waterloo morne plaine.
Mais à un prix que nous ne serons heureusement jamais prêts à payer : une gestion dictatoriale et centralisée de la crise sanitaire. Car la Chine peut, par exemple, sans état d’âme, mettre une ville de onze millions d’habitants à l’arrêt et à l’isolement pour quelques centaines de contaminations. Variante d’un dicton local : “Le virus est un tigre en papier, si on écrase le dragon dans l’oeuf “. Couic !
Onze millions d’habitants, c’est la Belgique. On imagine le boxon si trois personnes dans un bureau prenaient chez nous une telle décision dans un de nos sept gouvernements – ou tiens, pour changer, à la Commission Européenne.
Si vous êtes donc aujourd’hui tenté par les piquouzes exotiques, il vous faudra encore un peu voyager. Et si vous voyagez suffisamment longtemps, pour la piqure de rappel, il y aura même trois cent millions de doses du vaccin Sanofi qui vous attendront quelque part dans un frigo (5). A côté du beurre des quotas laitiers.
Claude Semal, le 10 septembre 2021
(1) “Juste un passage au JT”, aux Editions Luc Pire, août 2021.
(2) https://www.bbc.com/afrique/monde-57821698
(3) https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/07/19/le-vaccin-chinois-sinovac-produit-dix-fois-moins-d-anticorps-que-le-pfizer_6088760_3244.html
(4) http://www.amb-chine.fr/fra/zfzj/t1894599.htm
(5) On peut aussi relire ceci dans l’Asympto : UN INSTITUT AUSTRALIEN EXCLUT LA CHINE ET CUBA DE LA LUTTE MONDIALE ANTI-COVID
Marc Jacquemain
Publié à 11:36h, 11 septembreClaude Semal reproduisant des graphiques épidémiologiques, je n’aurais pas voulu mourir sans voir cela…. De toute façon, quoi qu’on dise ou qu’on fasse, la pression ne va cesser d’augmenter pour qu’on décause tout ce qui est (de près ou de loin) chinois. Pas que je sois un fan de Xi-Jin-Ping, évidemment, mais nous vivons dans une bulle de propagande (soft) qui n’est finalement pas beaucoup moins opaque que celle que connaissent les Chinois ou les Russes. La différence est que cette propagande n’est pas exclusivement étatique mais largement sociétale : mélange “d’éléments de langage” politiques et de promotion commerciale omniprésente, de films hollywoodiens maniant les stéréotypes, Ce qu’on appelle conspirationnisme chez nous doit peut-être se lire comme une “surréaction immunitaire” à cette saturation de nos imaginaires.
Quoi qu’il en soit, nous allons être priés de dire du mal des Chinois. Petite note positive :cela offrira peut-être un peu de répit aux femmes voilées…