
23 avril 2025
Lettre ouverte à Amin El Boujdaini, député MR bruxellois
Monsieur le Député, Cher Amin,
Je t’écris cette lettre avec un mélange de colère et de déception. Une colère sourde, qui grandit depuis des années à force d’entendre les mêmes discours méprisants envers nos familles, nos parents. Une déception, surtout, parce que c’est à toi que je m’adresse – à toi qui m’avais promis autre chose.
On s’est parlé, il y a quelques mois, dans les rues d’Anderlecht pendant la campagne électorale. Tu te souviens ? Je t’avais dit, cash, que je ne voyais pas comment voter pour un parti qui passe son temps à stigmatiser les musulmans, qui soutient la politique meurtrière du gouvernement israélien contre le peuple palestinien. Toi, tu m’as répondu, avec conviction: « Le MR a changé ! ».
Et puis, récemment, ton président, G-L Bouchez est passé à la radio pour lâcher son petit couplet sur les Belgo-Marocains qui “ont une maison dans leur pays d’origine”. Sous-entendu : vous n’êtes pas vraiment des nôtres. Sous-entendu : vous êtes des profiteurs.
Amin, tu sais aussi bien que moi ce que ces mots veulent vraiment dire.
Tu sais que ces maisons au Maroc, ce ne sont pas des villas de luxe achetées avec des allocations. Ce sont des briques payées avec des années de sueur, des économies patiemment accumulées par nos parents – les tiens comme les miens – ce sont des ouvriers, des femmes de ménage, des petits commerçants qui ont trimé toute leur vie ici. Nos parents ont contribué à construire la Belgique avant de pouvoir s’offrir un toit là-bas – souvent pour y passer leurs vieux jours, ou pour y retrouver un peu de cette chaleur humaine qu’on a perdue en chemin.
Et maintenant, on leur balance ça comme une insulte ? Comme si c’était un crime d’avoir des attaches ? Comme si, après quarante ans de travail, ils n’avaient pas le droit de rêver d’un retour au soleil ? Et toi, Amin, dans tout ça ? Partages-tu mon indignation ?
Tu es l’un des rares au MR à pouvoir comprendre ce que ces mots veulent dire. Tu connais nos quartiers, tu connais nos histoires. Alors pourquoi ce silence ? Pourquoi laisser passer ces sous-entendus nauséabonds sans réagir ? Est-ce que tu crois vraiment que le MR a changé ? Ou est-ce que tu fermes les yeux pour garder ta place ?
Je ne te demande pas de quitter ton parti. Je ne te demande pas de trahir tes convictions. Je te demande simplement d’être cohérent avec ce que tu m’as dit ce jour-là à Anderlecht : « Le MR a changé ! » Si le MR a vraiment changé, alors prouve-le. Dénonce ces propos. Dis haut et fort que nos parents ne méritent pas d’être traités comme des citoyens de seconde zone, qu’avoir une maison au Maroc est aussi légitime que d’avoir une maison en Espagne comme des milliers d’autres belges.
Parce que là, aujourd’hui, ton silence, comme celui de tes collèges : Loubna, Youssef ou Ismail fait mal. Il fait mal parce qu’il nous renvoie à cette réalité cruelle : même élus, vous n’arrivez à faire respecter la dignité de celles et ceux que vous êtes censés représenter !
Citoyenne bruxelloise
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