MELONI, VICE-GOUVERNEUR DE TRUMP ? par Hugues Le Paige

Pour Giorgia Meloni l’invitation à l’intronisation de Donald Trump était évidemment un cadeau de prix. Seul chef (1) de gouvernement européen présent à Washington le 20 mai, l’image restera dans les annales de l’internationale de l’extrême droite. Mais il n’est pas certain que le cadeau ne soit pas légèrement empoisonné. Certes Meloni ne boudait pas son plaisir aux côtés de son ami le président argentin Javier Milei.
Invitée avec insistance par Donald Trump lui-même, elle ne pouvait faire défaut. Non seulement parce qu’elle a tout sa place dans le monde trumpien, mais aussi parce qu’elle cultive depuis longtemps sa relation avec le nouveau maître de la Maison Banche qui venait de lui rendre un sérieux service. Quelques jours avant son investiture, celui-ci l’avait, en effet, reçue dans sa résidence de Floride où elle venait chercher l’imprimatur du maitre des lieux, pour échanger un ingénieur iranien arrêté en Italie, et dont les États Unis demandaient l’extradition, contre la libération d’une journaliste italienne emprisonnée arbitrairement à Téhéran. Au nom de leur amitié, Trump avait donné son accord. Ce qui avait permis à Meloni de se targuer d’un grand succès diplomatique unanimement salué en Italie. Meloni avait donc toutes les raisons de venir faire acte d’allégeance au nouveau maître de l’Empire.

Mais, comme toujours, la dirigeante des Fratelli d’Italia aime à jouer sur plusieurs tableaux, ce qui constitue de fait sa véritable stratégie. Car sa proximité avec Trump lui ouvre au moins deux perspectives.
Soit elle use de sa situation privilégiée pour devenir l’interlocutrice déléguée des intérêts européens ( ce qui ne sera pas une mince affaire vu l’arrogance et la violence des propos de Trump à l’égard du vieux continent). Elle briguerait alors un leadership européen, de surcroit favorisé par l’extrême faiblesse actuelle des dirigeants français et allemands.
Ce serait aussi une carte supplémentaire dans son projet idéologique de base de rassembler droite et extrême droite au sein de l’Union. Cela impliquerait cependant qu’elle prenne des positions équidistantes entre Washington et Bruxelles ou à tout le moins susceptibles d’apparaître comme une conciliatrice potentielle.

Soit elle use de sa situation pour privilégier les rapports bilatéraux Italie/USA, et tenter d’échapper à la vindicte antieuropéenne du président américain.
Mais en adoptant ce cavalier seul qui lui offrirait certes des bénéfices immédiats, elle apparaitrait rapidement comme « la vice-régente de la province européenne de l’Empire » (2).
Si l’on en juge par les discussions apparemment en cours avec son « génial ami » Elon Musk, pour confier les communications gouvernementales et des forces armées italiennes au système « Starkink » du milliardaire ( et cela au détriment du projet européen Iris2, il est vrai encore dans les limbes), c’est l’option bilatérale qui semble privilégiée.
Mais Meloni n’a sans doute pas encore choisi sa vocation définitive et tout son habile parcours européen nous a montré qu’elle peut ménager la chèvre et le loup et alterner les prises de position qui contentent — au moins pour un temps — l’une et l’autre…

Hugues Le Paige, sur son blog
et dans l’Asympto, avec l’aimable autorisation de l’auteur

(1) Je rappelle pour éviter toute équivoque que c’est Meloni qui refuse de féminiser sa fonction.
(2) Pour reprendre l’expression d’Andrea Colombo dans Il Manifesto du 19 janvier 2025, « Trump day, Meloni si inchina all’imperatore »

Pas de commentaires

Poster un commentaire