18 décembre 2024
A PROPOS (ENCORE) D’UNE « CERTAINE » CHANSON, POUR LES PLUS VIEUX D’ENTRE NOUS par Bruno Ruiz (sur Facebook).
Dans les années 1970 je me souviens du tollé que provoqua la programmation de Mireille Mathieu sur la grande scène de la Fête de l’Huma. Pour beaucoup d’entre nous, cela fut perçu comme une trahison. Il y eu aussi l’affaire Sardou, le symbole de la droite réactionnaire qui faillit être cloué au pilori par les défendeurs de la liberté d’expression. Avec le recul on comprend mieux combien tout cela n’était que tempêtes dans des verres d’eau. Et surtout d’une grande bêtise.
Pourtant, à cette époque, il faut le reconnaître, il y avait un profond clivage entre les chanteurs qui passaient à la télé, les grands médias, et les autres. Ceux qui n’y passaient pas étaient souvent assimilés à des chanteurs qui étaient contre le pouvoir en place.
Lavilliers, Higelin, Béranger remplissaient les salles. Ils étaient portés par un réseau associatif bien organisé qui défendait cette chanson non médiatisée et surtout ce qu’elle représentait. Les organisateurs de festival se servaient de cette notoriété marginale pour proposer des chanteurs plus confidentiels comme Bertin, Vasca, Elbaz et bien d’autres, la liste est longue.
Cette contre-culture fut récupérée par l’Union de la Gauche qui se servit de « cette jeunesse chantante pleine d’espoir en un monde meilleur ». C’est elle qui, par sa ferveur orchestrée par Jack Lang, permis en grande partie l’élection de François Mitterrand en 1981. Las, la suite est moins glorieuse.
Dans les premières années 1980, quelques centres de la chanson et associations furent financés par le Ministère de la Culture, mais très vite abandonnés par lui au profit d’une culture de prestige bobo.
On entrait de plain-pied dans « les années fric », dans la « gauche-caviar », et le grand rêve de la décennie précédente devait s’abîmer lentement mais sûrement dans l’installation d’une nouvelle gauche libérale. Petit à petit, on appela les radios libres radios privées.
On avait attendu d’elles une grande nouveauté, une grande diversité, un véritable contrepouvoir durable : ce ne fut pour la quasi majorité d’entre elles qu’une reproduction des grandes radios périphériques d’antan. En moins bien et avec moins de moyen. Le show-business de gauche rejoignait sans état d’âme le show-business de droite. La déception fut immense.
Ce rêve d’un monde meilleur, cette utopie, portée par tous ses mouvements populaires mais aussi le Syndicat Français des Artistes, périclitèrent lentement sans jamais être vraiment relayés par les nouvelles générations.
Je parle de cela, il y a un demi-siècle… Il faudrait bien sûr analyser tout cela à l’aune des grandes mutations de l’industrie du disque et des médias qui participèrent à ce déclin.
Pourtant, cette chanson non médiatisée, malgré tous ses abandons, continue d’exister aujourd’hui, portée par quelques festivals qui résistent avec l’appui de quelques municipalités et quelques instances publiques, des réseaux sur le modèle des Chant’Appart, et quelques petites salles qui font ce qu’elles peuvent avec les moyens du bord. En dehors de la formidable Revue Hexagone et de quelques blogs opiniâtres qui proposent des critiques de CD et de spectacles, les rubriques-chanson dans la presse nationale ont toutes disparues. “La chanson” s’est fondue désormais dans “la musique”.
Quelques personnes âgées accueillent encore chez elles, avec peut-être une certaine nostalgie dont elles ne sont pas dupes, cette chanson à laquelle je n’ai jamais personnellement cessé d’être fidèle.
Que tous soient remerciés ici. Ce sont eux qui la maintiennent encore en vie.
Bruno Ruiz (sur Facebook)
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