28 novembre 2024
LA COMMISSION VON DER MELONI par Hugues Lepaige
C’est un tournant dans l’histoire de l’Union Européenne. Pour la première fois, la Commission a été élue avec les voix de l’extrême-droite, celles des Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni (groupe ECR-Conservateurs et Réformistes Européens) (1).
Jamais l’Union n’avait connu une Commission aussi à droite dominée par le PPE (14 commissaires sur 27) qui désormais fixe les règles du jeu en s’alliant selon les circonstances et les sujets avec ses partenaires officiels socialistes (S&D) et libéraux (Renew) parfois secondés par les Verts ou avec l’extrême droite de différentes tendances et appartenances.
On l’a vu récemment quand cette dernière alliance « alternative » a voté un moratoire sur les règles de déforestation prévues dans le Green Deal. Manfred Weber, le très droitier chef du PPE, est désormais le faiseur de rois et il revendique même haut et fort ces alliances à géométrie variable.
Mais, de fait, la reine de l’Union est bien Giorgia Meloni. Depuis deux ans elle s’est étroitement associée à Ursula von der Leyen qui lui a délivré ses lettres de noblesse européenne en échange d’un soutien très utile en cas de défection dans sa majorité « officielle ».
Meloni, on l’a vu (2), a d’ores et déjà imposé sa politique migratoire à l’ensemble des 27 avec en perspective l’externalisation des procédures de demande d’asile. Mais plus fondamentalement encore, son objectif politique déclaré depuis son arrivée au pouvoir en 2022, l’alliance structurelle entre la droite traditionnelle et l’extrême-droite, est en train de se concrétiser au niveau européen avec la complicité des démocrates-chrétiens du PPE. Que les Libéraux de Renew ne s’en soucient guère n’est pas étonnant au vu de leur droitisation de plus en plus radicale, mais que les Socialistes (en dépit de voix contraires isolées), et accessoirement les Verts, ne réagissent pas plus vigoureusement à ce glissement idéologique sans précédent dans l’histoire communautaire en dit long sur leur résignation.
Giorgia Meloni peut triompher. En juillet dernier, elle s’était payé le luxe de voter contre la réélection de son amie Ursula notamment en raison du maintien d’un Green Deal aux ambitions pourtant redimensionnées. Les observateurs avaient alors parlé d’une défaite pour Meloni et pour l’Italie qui allait perdre — disait-on- du poids au sein de la Commission. Erreur fondamentale : avec l’élection de son proche Raffaele Fitto comme vice-président en charge du domaine essentiel des fonds de cohésion et du plan de relance, son influence sort largement grandie de l’épreuve.
Le marchandage laborieux dans la désignation des commissaires a permis cette manœuvre à laquelle ont participé l’ensemble des groupes traditionnels de la droite, du centre et centre-gauche (avec certes des rebuffades individuelles). Symboliquement — et idéologiquement —, Meloni siège désormais à la droite de von der Leyen avec la bénédiction du PPE.
Cela annonce une diplomatie guerrière, un retour en arrière sur le plan de la transition écologique, et une nouvelle version de l’austérité budgétaire. Jamais l’Europe n’aura été aussi à droite.
Et c’est pourtant dans ce contexte et ce rapport de force que Philippe Lamberts qui a coprésidé durant dix ans le groupe des Verts/ALE au Parlement, a choisi de devenir le conseiller d’Ursula von der Leyen qu’il avait qualifiée l’an passé de « la plus grande Commissaire Européenne depuis Jacques Delors ». Il est des fins de carrière pathétiques.
Hugues Lepaige
(sur son blog et dans l’Asympto, avec l’aimable autorisation de l’auteur)
(1) Les lecteurs habituels de mes articles ne s’en étonneront pas. Depuis deux ans j’insiste sur le rôle central de Meloni et de sa stratégie européenne gagnante.
(2) http://Voir : https://leblognotesdehugueslepaige.be/politique-migratoire-le-triomphe-de-meloni/
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