22 novembre 2024
LE VRAI SCANDALE DU CPAS D’ANDERLECHT par Bernadette Schaeck
Le vrai problème au CPAS d’Anderlecht, ce ne sont pas les abus et les fraudes.
Mais au contraire, les difficultés d’accéder aux droits les plus élémentaires.
Les retards dans l’examen des demandes – régulièrement, plusieurs mois.
Les retards dans l’examen des prolongations du Revenu d’Insertion (RI) – souvent plusieurs mois.
Idem pour les prolongations des cartes médicales et autres aides sociales.
Le problème, l’absence d’Assistant Social titulaire du dossier (vu l’énorme « turn over » et leur absence pour cause de maladie). C’est l’inaccessibilité des Assistants Sociaux (AS) par mail, par téléphone ou sur rendez-vous (!). Ce sont des dossiers qui sont complets, mais qui restent en rade en attendant d’être supervisés et d’être soumis au CSSS (Comité spécial du service social).
Aucune notion d’urgence : même en cas de retards énormes pour les demandes et les prolongations de RI – pas de paiements en urgence en attendant la décision du CSSS.
Pas d’explications motivées non plus concernant les décisions et le calcul des montants (et ce n’est pas le seul CPAS à devoir être critiqué pour cela).
J’ai sans doute le triste privilège d’être l’une de celles qui connait le plus de situations problématiques pour avoir aidé les personnes dans leurs démarches au CPAS depuis plusieurs années.
Nous avions établi pour le seul 1er semestre 2023 un résumé d’une cinquantaine de situations vécues, toutes plus catastrophiques les unes que les autres.
Nous avons fait plusieurs démarches vis-à-vis des conseillers pour les alerter sur cette situation dramatique. Nous nous sommes alliés à des associations (à qui je laisse le choix de se positionner si elles le souhaitent).
Loin des « abus » dénoncés par les 3 journalistes de la VRT, c’est bien l’absence (ou la grande difficulté d’accès) aux droits élémentaires qui est la réalité de très nombreux allocataires.
Et je crains fort que le reportage « à charge » de la VRT ne nous aide pas à améliorer la situation, bien au contraire ! C’est simplement du bashing « anti PS » et anti pauvres.
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“On entretient une génération qui ne veut rien faire”.
C’est par ce commentaire que se terminait le reportage PANO sur le CPAS d’Anderlecht diffusé hier soir par la VRT1, et auquel le JT de 19h30 de la RTBF a ensuite fait référence.
« Deux étudiants ont obtenu le Revenu d’Insertion alors qu’ils n’y ont pas droit ».
C’est ce qui a été retenu de ce long reportage par la RTBF.
Et qui ne manquera pas de frapper les esprits : « tous des fraudeurs ».
D’autres exemples sont donnés par des Assistants Sociaux (qui “témoignent” tous anonymement) : une personne en « adresse de référence » depuis 10 ans ; une personne considérée comme « isolée » alors que la police la considère comme « cohabitante » ; des personnes qui se déclarent séparées – ou qui se séparent réellement – pour percevoir chacune le taux « chef de famille ».
Les journalistes ont enregistré des communications dans lesquelles des personnes indiquent qu’elles cherchent juste une adresse « boite aux lettres » pour percevoir les allocations.
En insistant bien sur le fait que c’est beaucoup plus « laxiste » à Bruxelles qu’en Flandre.
Des Assistants Sociaux s’étonnent de ce que des personnes demandent à être entendues par le CSSS Comité spécial du service social et que le Comité modifie souvent ensuite leur proposition/décision. Ces AS se plaignent ainsi « de ne plus avoir de pouvoir”-.
Or c’est un droit démocratique clairement inscrit dans la loi.
Quelques rares « bénéficiaires » sont interviewés, mais essentiellement pour leur faire « cracher » qu’ils se sont adressés au président, et qu’ils ont voté pour lui et/ou le PS.
On n’entend pas ce qu’ils ont pu dire d’autre.
La situation des bénéficiaires du CPAS d’Anderlecht est catastrophique.
Mais ce n’est manifestement pas cela qui intéresse les journalistes qui ont réalisé ce reportage. Ni les Assistants Sociaux qui ont “témoigné” anonymement.
En tout cas, cela vient à point nommé dans le cadre de la négociation pour un prochain accord de gouvernement fédéral – qui a « l’aide sociale » dans son viseur.
Je n’ai pas tout compris dans le reportage (en néerlandais), mais beaucoup quand même, et j’ai aussi traduit le long texte qui était publié sur le site de la VRT avant même la diffusion. A mon menu du jour : deux défenses individuelles… de bénéficiaires du CPAS d’Anderlecht.
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Je ne ris JAMAIS des fautes de français. Sauf parfois ;-).
“Ensuite“, lis-je je dans une motivation de retrait d’un Revenu d’Insertion, “vous nous expliquait (sic) que votre français est trop faible pour travailler et que vous préférez suivre des cours de français“.
La personne au français « pas trop faible » pour travailler (selon le CPAS) s’était vu retirer le Revenu d’Insertion par un Assistant Social au français « pas trop faible » pour le sanctionner.
Or elle a gagné récemment son recours au Tribunal du travail contre la décision de retrait.
Quiz : par quel CPAS trèèèèèèèèèèèèèèès laxiste (à ce qu’on entend dire ces derniers jours) cette décision de retrait avait-elle été prise ? Devinez !
(Jugement du Tribunal du travail de Bruxelles du 30/09/2024 – Numéro de répertoire 2024/08428).
Bernadette Schaeck, de l‘Association de Défense des Allocataires Sociaux
Philippe Malarme
Publié à 19:04h, 23 novembreMerci, madame Schaeck, pour votre combat pour la justice sociale. Il est important que les allocations dues soient versées rapidement, sans ingérence politique, sans magouilles ni corruption. Pour surveiller que tout soit équitable, respectons le travail d’enquête de la presse qui, même si elle énerve quelquefois par sa recherche du sensationnel, reste l’ultime protection contre les abus des potentats, petits et grands.