14 novembre 2024
LIÈGE : LE PRÉACCORD DE LA HONTE par Pierre Heldenbergh
« Attention aux extrêmes » nous ont régulièrement alerté le MR, Défi et les Engagés.
« Ces décisions auront des conséquences ! » a hurlé le petit Trump tatoué wallon, en apprenant que « sa » ville de Mons a fait entrer le PTB dans la majorité communale …
Et à Liège ?
À Liège, le PS avait préalablement signé avec le MR et les Enfoirés, avant même les élections, un accord provincial scandaleux qui interdisait toute coalition « avec l’extrême-droite et l’extrême-gauche » dans l’ensemble des communes liégeoises… en évoquant absurdement la « Loi Moureaux » contre le racisme… ! Or comme il n’y a pas d’élus d’extrême-droite en Province de Liège – comment pourrait-on s’allier avec eux ?! Celui qui était visé par cet accord, c’était donc clairement le seul parti de Raoul Hedebouw.
« Extrême », le PTB ??? Je les croisais en haut des escaliers de la cantine ULBiste, où ils et elles vendaient le journal « Solidaire » à côté de mes camarades trotskistes (qui eux vendaient « la Gauche »). Et moi, bien planqué derrière un grand stand « librairie », je parlais avec les unes les autres, et je prenais plaisir à parler de livres avec celleux qui étaient vraiment intéressé·es par la découverte d’une histoire des luttes, par une pensée complexe, par des conflits idéologiques.
A cette époque-là, le PTB était certes « d’extrême gauche », et les trotskistes aussi d’ailleurs. Aux élections, nous faisions tous entre 0,3 et 1,5%. Ces « candidatures de témoignages » étaient au moins l’occasion de faire connaitre notre existence, nos analyses et nos programmes – et incidemment, de jouer à qui pisserait le plus loin (« Tu as vu ? On a fait deux fois plus de voix que les « trots » !).
30 ans plus tard, il ne reste plus grand-chose de tous ces programmes souvent aussi radicaux qu’utopistes. Georges-Louis Bouchez, Pierre-Yves Jeholet et autres politiques « scandalisés » par l’entrée du PTB dans des majorités communales… avez-vous au moins lu les programmes communaux, régionaux et fédéraux du PTB ?
« Révolutionnaire » ? « Communiste » ? « Extrêmiste » ? Vous êtes fous ou quoi ? (2).
Si les revendications du PTB font peur à la droite belge, qu’auraient-ils dit en 1981 en lisant le « programme commun » de François Mitterrand ? Écoutez ça : … Nationalisation des grands moyens de production… des média… de l’électricité… de la défense… développement des services publics dans chaque village… pension à 60 ans… la réduction du temps de travail… et l’impôt sur les grandes fortunes… « L’horreur absolue » !!! Ils et elles auraient immédiatement couru se réfugier en Suisse ou au Vatican !
Cette droite hautaine et revancharde, qui est elle-même par contre VRAIMENT gangrénée par les idées de l’extrême-droite, ostracise donc « un simple parti de gauche », radical certes, mais avec un programme que les socialistes eux-mêmes auraient pu défendre il y a quarante ans… (Et bardaf, voilà que les militant·es du PTB vont me tirer la gueule parce que je les ai comparés aux sociaux-démocrates !).
Que les socialistes liégeois aient pu signer un tel préaccord électoral est donc un vrai scandale démocratique. Shame !
X X X X X X X
Cette histoire m’obsède. J’ai du mal à comprendre ce qui a pu se passer dans la tête des négociateurs socialistes pour accepter de signer cette clause « anti-extrêmes ». La soif du pouvoir à tout prix ?
Accord de dupes, qui plus est, et totalement unilatéral, puisque l’extrême-droite n’existe pratiquement pas en Province de Liège… alors que le PTB y dépasse régulièrement les 20, voire les 30 % !
Avez-vous demandé l’avis des USC, des Ligues et des sections locales du PS, avant de signer ce torchon ?
Je serais un simple membre du PS de Herstal, de Huy, de Liège, d’Oupeye, de Saint-Nicolas, de Seraing et de Verviers, je rappellerais au plus vite à ces négociateurs provinciaux qu’au Parti Socialiste, les sections communales sont en principe autonomes en matière d’alliances locales !
Et dans six ans, avec quel but mobiliseront-ils leurs sympathisants ? Avec la perspective de s’allier « obligatoirement » à des partis de droite qu’ils auront pourtant combattu pendant six ans au gouvernement de la région – en interdisant parallèlement toute autre alliance vraiment « de gauche » ?
C’est quoi, cette absurdité ? Faudra-t-il que le PTB obtienne seul la majorité absolue dans ces communes pour qu’une politique de gauche puisse y être vraiment appliquée ?
Comme je l’ai déjà mentionné, ce préaccord provincial prétend en outre s’appuyer sur la législation du 30 juillet 1981, connue sous le nom de « loi Moureaux ».
C’est un de nos outils législatifs contre le racisme, le négationnisme, la discrimination, la haine raciale, qui a fait de la Belgique une des pionnières dans la lutte contre les nostalgiques du troisième Reich.
Mais oser y associer ici une prétendue « extrême gauche » est vraiment crapuleux…
Vous aurez en effet du mal à trouver une seule déclaration « raciste » chez le PTB, l’antiracisme étant au contraire un de ses chevaux de bataille. Par contre, on commence à entendre pas mal de propos racistes dans les rangs mêmes du MR (1).
Pendant que cette soudaine peur du rouge écarlate frappe donc soudainement les socialistes de la Province de Liège, que se passera-t-il pour les socialistes de Mons, de Forest, et sans doute bientôt de Molenbeek et de Schaerbeek ? Vont-ils être exclus PS ?
Paul Magnette, du haut du Boulevard de l’Empereur, va-t-il simplement se moquer de ces socialistes « égarés » qui ont conclu des alliances avec des « couillons » ?
Ou le président du PS ira-t-il remonter les bretelles aux lamentables négociateurs liégeois, en exigeant qu’ils et elles reviennent sur cette infâme signature ?! On peut toujours rêver.
De plus, quand on sait que c’est Pierre-Yves Jeholet qui fut à l’origine de ce paragraphe, lui qui fut responsable d’un gros dérapage raciste moins d’une semaine avant le scrutin de juin… (1) franchement, mes camarades socialistes… tout cela est quand même bien puant… ou politiquement vachement maladroit !
Pierre Heldenbergh (à Liège)
(1) Jeholet avait alors lancé en plein parlement à Nabil Boukili, la tête de liste du PTB à la région bruxelloise : « Ne venez pas nous donner de leçons. Si ça ne vous plaît pas, vous n’êtes pas obligés de rester en Belgique ». Un « argument » digne du Vlaams Belang. Précisons que, né au Maroc, le député Nabil Boukili n’en est pas moins évidemment belge.
(2) Excellente émission d’Arnaud Ruyssen à la RTBF à ce sujet : https://auvio.rtbf.be/media/les-cles-les-cles-3269946
didier somzé
Publié à 12:00h, 16 novembrePeut-être est-ce cela, la parfaite illustration d’un “parti de gouvernement” ?
Merci Pierre.