BARNIER ET LE CHAPELIER FOU par Gilbert Laffaille

En 1981, Michel Barnier avait trente ans et il votait contre la loi de dépénalisation de l’homosexualité, portée par Robert Badinter et Gisèle Halimi. C’était le plus jeune député de France mais il était vieux dans sa tête. Durant sa carrière parlementaire il aura ainsi voté contre l’IVG, contre la loi Gayssot interdisant les discriminations fondées sur la race ou la religion, contre la loi Evin interdisant la publicité en faveur du tabac, contre la loi Pelletier qui reconduisait définitivement la loi Veil de 1975, contre le PACS et contre beaucoup d’idées de progrès. Qu’on se rassure: il est pour l’augmentation de la durée du travail et pour la retraite à 65 ans.
Les commentateurs, qui ont abandonné tout esprit critique et se bornent à reprendre les éléments qui leur sont communiqués, dressent le portrait d’un négociateur habile et d’un homme modéré… Le premier ministre incarne en réalité la vieille droite française classique et conservatrice, pour ne pas dire réactionnaire. On ne devrait pas tarder à s’en apercevoir, notamment en matière d’immigration.
C’est la raison pour laquelle le RN n’a pas mis de veto à sa nomination.

On sait que Barnier est depuis toujours un fervent partisan de l’économie libérale, il faudra lui demander si ses convictions en matière de mœurs sont restées les mêmes que dans sa jeunesse.
Emmanuel Macron s’est paraît-il délecté du suspens qu’il a créé, des leurres qu’il a lancés, et s’est moqué des spéculations des médias et des frétillements des prétendants. On n’en attendait pas moins du locataire de l’Élysée, toujours content de lui, quel que soit l’échec dont il est responsable, qu’elle que soit la gabegie qu’il a provoquée.
Que tout ceci ne soit pas très démocratique est apparemment le cadet de ses soucis : le président sait mieux que les Français ce qui est bon pour eux. Celui qui ironisait naguère sur « le monde d’avant » doit aujourd’hui composer avec ses représentants les plus usés ou les plus discrédités. Quant à son côté « disruptif », il n’apparaît plus que comme du mépris vis-à-vis des usages républicains, de la Constitution, mais aussi du pays laissé deux mois sans gouvernement.
Barnier a fait savoir que « le président préside et que le gouvernement gouverne ».
Si c’était effectivement le cas, cela constituerait un changement notable par rapport aux sept dernières années qui ont vu Macron s’occuper de tout, prendre la parole à la place de ses ministres, n’en faire qu’à sa tête et changer d’idée comme de chemise.

Mais comme on apprend que Barnier s’est laissé imposer son directeur de cabinet par l’Élysée, on peut douter de sa marge de manœuvre. Après cette longue période d’attente malsaine, on voit maintenant poindre la menace d’un exécutif otage du RN. Il faut se rendre à l’évidence: le « maître des horloges » n’est qu’un Chapelier Fou dans un monde à l’envers.

Gilbert Laffaille (sur Facebook)

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