16 octobre 2023
SUR GAZA ET L’ÉTAT DE LA GAUCHE EN FRANCE par Stéfano Palombarini (sur son blog Médoapart)
Outre l’infinie tristesse pour ce que vivent les peuples d’Israël et de Palestine, il y en a une autre certes plus petite, mais douloureuse : c’est de constater qu’une grande partie des dirigeants de la gauche ne sont pas du tout à la hauteur du rôle qui est le leur.
Même s’il peut sembler superflu de revenir sur la qualification de l’attaque du Hamas, c’est par là qu’il faut commencer.
Cette attaque est criminelle et ignoble, il n’est pas de débat possible.
Comme il devrait être évident que pour la comprendre, il faut la lire dans un conflit ouvert depuis des dizaines d’années.
C’était un acte de guerre qui s’en est pris à la population civile : ses responsables devraient en répondre devant un tribunal international, car des crimes de guerre et possiblement de crimes contre l’humanité ont été commis.
La réaction du gouvernement d’extrême droite d’Israël, qui agit systématiquement en violation de la légalité internationale, n’était pas difficile à prévoir : en riposte aux crimes de guerre du Hamas, il n’hésite pas un instant à en commettre d’autres.
Face à un conflit marqué par des crimes en série, la seule position raisonnable de la communauté internationale aurait été de demander un cessez-le-feu, comme le fait l’Onu qui craint aujourd’hui un « nettoyage ethnique de masse » à Gaza.
Mais.
Mais la France et l’Union Européenne ont renoncé à toute autonomie et sont totalement alignées depuis longtemps sur les États-Unis, qui ont en Israël un allié incontournable.
Le récit qui s’est imposé est alors celui qu’on connaît : une attaque terroriste (contre un pays en paix ?), à laquelle Israël avait le droit de répondre.
Dans ce récit, qui oppose une grande démocratie meurtrie à un groupe terroriste, il n’y a pas d’appel au cessez-le-feu possible.
On peut, au mieux, demander à Israël de la modération dans la riposte, et lui faire confiance.
Et quel étonnement, n’est-ce pas, quand la confiance est trahie.
Et quelle surprise aussi quand, après avoir dit et répété que le Hamas ne représente en rien les palestiniens, on constate que le gouvernement ami qu’on soutient «inconditionnellement» considère la population de Gaza toute entière comme responsable des crimes du Hamas.
En réalité, à une lecture des événements qui repose sur une analyse sérieuse de la situation historique, qui rappelle entre autres choses que Gaza est sous blocus depuis 2007, s’en oppose une autre qui se fonde sans distance critique sur la propagande pro-Israël.
À cette propagande, si forte qu’elle conduit à traiter d’«amis du Hamas» celles et ceux qui pensent que ses responsables devraient finir devant la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre, se sont pliés les grands médias, la droite, l’extrême droite et Emmanuel Macron, ce qui était prévisible. Mais aussi une partie de la gauche.
Une gauche dont le rôle serait de défendre les peuples israélien et palestinien des crimes de guerre qui produisent des massacres, d’appeler à un cessez-le-feu, et de s’appuyer sur les organisations comme l’Onu qui essaient de travailler pour le respect de la légalité.
Mais pour cela, il faudrait pouvoir tenir un discours en rupture avec celui imposé comme le seul admissible, et donc résister aux insultes médiatiques et à la « menace » de mauvais sondages.
Une partie importante de la gauche, visiblement, n’en est pas capable.
Ce qui, personnellement, me fait le plus de peine, c’est de voir Europe Écologie Les Verts et le PCF trahir leurs positions historiques pour se mettre dans la direction du vent.
Mais il y a plus important.
Les représentants d’un bloc social qui s’est construit autour de l’hypothèse d’une rupture avec les rapports de force hégémoniques doivent être prêts à affronter souvent, très souvent des situations de ce type, surtout s’ils se retrouveront un jour à gouverner.
S’ils veulent porter un programme de rupture, les représentants de la gauche doivent être prêts à affronter presque systématiquement non seulement les adversaires politiques, mais tous les grands médias et les intérêts des puissants.
Outre l’infinie tristesse pour ce que vivent les peuples d’Israël et de Palestine, il y en a une autre certes plus petite, mais douloureuse : c’est de constater qu’une grande partie des dirigeants de la gauche ne sont pas du tout à la hauteur du rôle qui est le leur.
Stéfano Palombarini (dans son blog sur le site d’information Médiapart 14 oct 2023
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