LES SORCIÈRES DU CINQ DÉCEMBRE

Nous sommes le 5 décembre 2022.
Le 5 décembre 1484, la chasse aux sorcières était ouverte.
Il y a 536 ans, le pape Innocent VIII promulguait la bulle papale «Summis desiderantes affectibus» («Désireux d’ardeur suprême», ça ne s’invente pas !), tout un programme visant à organiser la lutte contre la sorcellerie.
À commencer par une enquête sur les sorciers, les sorcières et la sorcellerie, en vue de définir les signes auxquels on peut reconnaître le pacte d’un individu avec le démon !
L’Inquisition est chargée d’enquêter et de mettre en place tous moyens de correction, emprisonnement, punition et châtiment de ces personnes «selon leurs mérites».
Il est vrai que depuis les massacres des derniers hérétiques cathares de 13e siècle, les inquisiteurs se tournaient un peu les pouces.
Contrairement à ce que l’on croit souvent, le Moyen Âge ne s’est jamais beaucoup inquiété des questions de sorcelleries. Et, s’il en était question, c’était surtout pour servir de prétexte à des procès politiques, comme celui des Templiers et de Jeanne d’Arc.
Ce n’est que vers le 15e siècle que les fantasmes, voire les délires, de certains inquisiteurs, notamment allemands, sur les prétendus sabbats, maléfices, et autres rituels de sorcellerie, commencent à être pris en compte.
Dans ces années, entre 1460 et 1550, l’Europe connait un cycle climatique que l’on appelle “petit âge glaciaire” : fortes précipitations, hivers très froids, printemps et étés pourris, disette…
L’Église se doit de donner sens à cette calamité. Ce sera donc forcément l’œuvre de sorciers et sorcières agissant « à l’instigation de l’ennemi de l’humanité » : Satan.

Johann Jakob Wick (1522-1588)

La bulle papale du 5 décembre 1484 prend enfin sérieusement en considération les soucis de ces moines qui, navrés de n’avoir plus grand monde à torturer, s’ennuyaient au fond de leurs couvents. Il ordonne aux inquisiteurs de s’engager dans la répression de tous les sorciers et sorcières. L’incrimination ne vise pas seulement les femmes, même si, dans les faits, ce seront-elles qui en feront le plus souvent les frais.
«Il est récemment venu à nos oreilles, avec grande douleur, que dans quelques régions […] de nombreuses personnes des deux sexes, insouciantes de leur propre salut et abandonnant la foi catholique, donnent elles-mêmes par leurs incantations, charmes, et conjurations, et par d’autres superstitions et sortilèges abominables, offenses, crimes, et méfaits, ruines et causes pour faire périr la progéniture des femmes, les petits des animaux, les produits de la terre, les raisins des vignes, et les fruits des arbres, […] gênent des hommes pour l’engendrement et des femmes pour la conception, et empêchent la consommation du mariage.»
Voilà donc le changement climatique lié au pacte diabolique jusqu’à provoquer des troubles de la fonction sexuelle ! Il fallait y penser.
Les inquisiteurs se mettront en action avec un zèle autrement plus sérieux que tous les gouvernements des COP 21,22,23, et suivantes.
Deux années plus tard, deux Dominicains allemands publieront le «Malleus Maleficarum» («Le Marteau contre les sorcières») un traité définissant les signes auxquels reconnaître le pacte de certains individus avec le démon et comment procéder à leur capture, organiser leur détention et leur élimination…
Ce livre fera longtemps autorité dans la lutte contre la sorcellerie, tant chez les catholiques que chez les protestants.
Arrêtés sur délation, les accusés (souvent des femmes, parfois même de animaux) seront soumis à la torture et à un tribunal ecclésiastique. S’ils survivent aux supplices des interrogatoires, ils seront généralement brûlés vifs.
La chasse aux sorcières fera 50 à 100 000 victimes en deux siècles.

Autre chose.

Sans y voir une malédiction particulière, il faut bien constater qu’on meurt beaucoup le 5 décembre.
Quelques exemples :
5 décembre 2017 : Jean-Philippe Smet (dit Johnny Hallyday), chanteur, et Jean d’Ormesson (parfois surnommé Jean d’O), écrivain
5 décembre 2014 : Fabiola de Belgique (née Fabiola, Fernanda, María de las Victorias, Antonia, Adelaida de Mora y Aragón), reine
5 décembre 2013 : Nelson Mandela (dit Madiba), successivement activiste, prisonnier, président, désormais symbole
5 décembre 2012 : Oscar Niemeyer, architecte
5 décembre 2012 : David Warren Brubeck, pianiste de jazz
5 décembre 2007 : Karlheinz Stockhausen, compositeur
5 décembre 1979 : Sonia Delaunay, née Sara Illinichtna Stern, artiste peintre française d’origine ukrainienne
5 décembre 1926 : Claude Monet, peintre
5 décembre 1870 : Alexandre Dumas, écrivain
5 décembre 1791 : Wolfgang Amadeus Mozart, compositeur.
…..
Encore autre chose.

Il y a tout juste 10 ans, le 5 décembre 2012, Dave Brubeck s’éteignait, victime d’un arrêt cardiaque. Il aurait fêté ses 92 ans le lendemain, puisqu’il est né le 6 décembre 1920.
Pianiste et compositeur de jazz, Dave Brubeck était entré dans la musique par de sages études de musique classique, auprès de Darius Milhaud.
Il a par ailleurs composé deux ballets, une comédie musicale, trois oratorios, quatre cantates, une messe, plusieurs morceaux pour formation de jazz et orchestre symphonique, ainsi que de nombreuses œuvres pour piano. Ces influences classiques orienteront son jeu vers un genre assez éloigné, par son phrasé élégant, de la tendance dominante outre-Atlantique.
Non content d’être un géant du jazz, Dave Brubeck est un des rares géants du jazz (avec e.a. Chet Baker) à ne pas être de couleur, ce qui, dans ces années 1940 – 1960 était, sinon une anomalie, du moins une rareté (de Coltrane à Ellington, en passant par Count Basie, Miles Davis, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Ella Fitzgerald, Nina Simone, Billie Holliday, Erroll Garner, Charles Mingus, Thelonious Monk, Louis Armstrong, il n’y a pratiquement que des Noirs).
Militant de l’égalité raciale dans une Amérique où la ségrégation était le règle, Dave Brubeck se faisait d’ailleurs une fierté de jouer dans les clubs noirs du Sud profond des années 50,
Pour ceux qui n’y connaissent rien ou quasiment rien en jazz, il y a probablement deux ou trois morceaux d’anthologie qui leur restent dans l’oreille : «Take Five», un standard qui a notamment servi de générique pour plusieurs émissions de jazz ; «Blue rondo à la Turk», sur lequel Claude Nougaro a mis les paroles de sa chanson «À bout de souffle », ainsi que « Three to get ready», qui s’est transformé en «Le Jazz et la Java».

André Clette

On s’écoute le «Blue rondo à la Turk»
C’est par ici →

Ne soyons pas radins. On s’écoute aussi «Take Five» …(une composition du saxophoniste Paul Desmond)
C’est par ici →

Pas de commentaires

Poster un commentaire