
18 février 2025
100.000 VOLTS, 100.000 PEURS par Claude Semal
La mobilisation de la manifestation du jeudi 13 février à Bruxelles signale deux choses : la conscience aigüe d’un danger mortel, et une forte volonté de résistance. Je n’ai pas souvenir d’un gouvernement des droites dont la seule cohérence programmatique soit, à ce point, la chasse aux pauvres ; et le seul horizon politique, la dislocation du pays dans lequel nous vivons. J’ai bien dit « la chasse aux pauvres », et non à la pauvreté. Arizo-naze, aride zona : du sable, des cailloux, des hyènes et des cactus.

photo J-F Hanssens
Le détricotage et la mise à bas systématique tout ce qui faisait notre système de protection sociale, installe en effet la misère noire et la précarité générale comme seule perspective d’avenir. Je m’attendais certes à une attaque frontale contre les allocations de chômage et les revenus de remplacement des CPAS. De ce point de vue-là, « je n’ai pas été déçu ». Façon de parler, évidemment : si, j’ai été très déçu, mais c’était annoncé et prévisible.
J’ai par contre été étonné par le charge brutale contre notre système de pension.
La non prise en compte des périodes de chômage et d’arrêts « maladie » dans le calcul des pensions va très sensiblement augmenter la précarité des futurs pensionnés – et surtout des futures pensionnées. Des fins de vie difficiles, des fins de carrière impossibles – à l’âge où les corps fatigués ne pensent parfois qu’à se reposer.
Avec ces gens-là au pouvoir, notre vie quotidienne va donc se compliquer.
C’est vrai pour les classes populaires, qui n’ont que leur force de travail à vendre.
Mais aussi pour les classes moyennes, celles qui travaillent dans les commerces et les services – et dont les revenus sont indexés sur la consommation populaire.
Toutes celles-là savent qu’elles ne gagneront pas mieux leur vie si leur clientèle s’appauvrit. C’est même évidemment le contraire. Il n’y a pas de patron de café heureux sans clientèle.
Par rapport à nos voisins, et notamment par rapport à la France, nous avons toutefois la chance d’avoir en Belgique des syndicats puissants, dont la capacité de mobilisation semble encore intacte. Le taux de syndicalisation tourne autour de 50% en Belgique – contre 10% en France (7% dans le privé). Nous avons la force du nombre, dont on sait depuis La Boétie qu’elle peut renverser les tyrans.
En regard de la population totale, une manif de 100.000 personnes à Bruxelles équivaudrait à un rassemblement d’un million de personnes à Paris. Presque impensable – en dehors des grands matches des Bleus pendant la Coupe du Monde.

Photo J-F Hanssens
L’inquiétude naît aussi de la situation du monde. Outre la guerre en Palestine et en Ukraine, la contre-révolution musko-trumpienne aux USA prend peu à peu la forme d’un putsch interne contre toutes les structures de l’état de droit, pendant qu’à l’international, Trump multiplie les déclarations de guerre annexionnistes : Groenland, Panama, Canada, Gaza… au secours ! Or là où nous aurions besoin d’être « rassurés », de chercher les voies de la paix et de la prospérité, le gouvernement Bart de Wever nous insécurise un peu plus. Avec un cinglé raciste comme Théo Francken à la Défense !
L’attelage gouvernemental me semble toutefois plus fragile qu’il n’y parait. Outre les divergences connues entre Wallons et Flamands, et entre « indépendantistes » et « unitaristes », cette alliance des droites est en partie assisse sur un malentendu. En Wallonie, particulièrement, les Engagées se sont fait élire en se fabriquant une image floue de type « centre gauche / centre droit ». Pas sûr que tous leurs électeurs apprécient sur la durée un binôme gouvernemental dominé par le MR, avec GLouB en tête de gondole, un indépendantiste flamand comme Premier Ministre, et un programme violemment anti-populaire comme seule boussole. Je fais même le pari qu’ils voleront dans le décor à la prochaine échéance électorale.
Il « suffit » de résister et de patienter jusque là. La droite au pouvoir n’est donc pas une fatalité. Nous sommes le plus grand nombre. À nous de traduire cette majorité sociologique en majorité politique – dans les urnes et dans la rue.
Claude Semal, le 15 février 2025.
Merci Jean-Frédérique Hanssens pour les photos. Pour la petite histoire, je lui dois aussi la pochette de mon premier 33T en 1982 ;-).
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Philippe Malarme
Publié à 17:56h, 15 févrierTrouver le juste équilibre entre méritocratie, profitocratie et ploutocratie, pas facile.